L'album photos Faces Zine de Cléa Vincent
Photos et interview : Nicolas Vidal
C'est un fait : Cléa Vincent est l'artiste que nous avons le plus photographié depuis la création de Faces Zine. D'abord pour le portrait que nous lui avions consacré à la rentrée 2018, puis lorsqu’elle a répondu présent lors des numéros anniversaires de notre webzine, d'abord pour une discussion pop avec ses consœurs Jo Wedin et The Rodeo, puis lors d'une session photo avec Marie Flore, Jean Felzine et Alma Forrer. Nous l'avions également accompagné lors de sa "Nuit sans sommeil" entre Paris et Etretat pour fêter la sortie de son deuxième album, et de nouveau croisé aux Francofolies de La Rochelle. Nous aimons ces rendez-vous pop réguliers avec elle, et même confinés, nous tenions à parler son nouvel EP "Tropi-Cléa 2" qui vient de sortir chez Midnight Special Records, parfait condensé de pop brésilienne et de chanson tropicale qui va faire danser le confinement. Nous lui avons donc soumis quelques photos et quelques questions pour comprendre un peu mieux son rapport à la scène, à la pop, à la mode, et ses différents projets. Nous avons comme d'habitude été conquis par son naturel et sa bienveillance. Flashback photographique avec Cléa Vincent que vous pouvez également retrouver dans l'exposition "Chanteuses de France".
Pourquoi un “Tropicléa 2” ? Qu’est ce que tu aimes dans les rythmes brésiliens, samba, reggae ?
"Tiens tiens, il y a des galets là où tu es ? ahahaha trop bien ! Je sors un Tropi-Cléa 2 parce que les musiciens de mon groupe m’y ont encouragé ! Ils avaient adoré l’expérience du premier, enregistrer live, enregistrer en 3 jours, apportant chacun leurs parties, leurs feelings… C’est un exercice beaucoup plus spontané que les albums qui sont plus dans le contrôle, beaucoup plus écrits ! Tropi-Cléa 2 c’est plus léger comme process, ça s’entend d’ailleurs je crois… Les chansons me sont venues hyper facilement, en quelques minutes chacune… Pourquoi la musique brésilienne ? Parce que cette musique mélange le jazz, la percussion, les textes romantiques, les chanteurs et chanteuses à voix, il y a un charme fou dans les grandes chansons brésiliennes, une décontraction que j’aime par-dessus tout."
Ta discographie, qu'est ce que cela t'évoque ?
"Quand je vois la photo de mes albums sur ton parquet, ça me procure beaucoup de joie. Déjà parce que ça me fait plaisir que tu aies presque toute la collec ;-) Et aussi parce qu’il commence à y’en avoir pas mal ! Il te manque EP1 et EP2, je vais te trouver ça haha ! J’ai sorti 7 disques en tout chez Midnight Special Records ! Ça m’évoque cette fidélité qu’on a l’un envers l’autre, mon label et moi ! Je suis pour les relations longues, je suis pour que tout s’inscrive dans le temps. Je suis quelqu’un de volatile à certain moment et pourtant j’aime ce qui s’ancre profondément dans ma vie. La famille, l’amitié, les amours ! J’ai un désir d’absolu, je suis très intense comme personne haha ! Le vrai amour pour moi, c’est celui qui dure !"
Fonctionnes-tu à l'instinct en matière d’album, de chansons ?
" Je fonctionne comme un agriculteur bio ! Je récolte les idées qui tombent, les mélodies qui me viennent, les punchlines etc… Fruit d’un travail régulier du piano, de jouer pour d’autres, d’improviser, de faire des concerts, de discuter, d’observer, de lire, de parler etc... J’attends que ça tombe, que ce soit mûr, que ce soit l’évidence ! Ça demande beaucoup de patience car il arrive que je ne pêche rien pendant plusieurs mois, et tout à coup, bim 5 chansons la même semaine. C’est la cas pour Tropi-Cléa 2, c’est un belle récolte d’automne pour une super sortie de printemps…"
Tu produis tes albums avec Midnight Spécial Records, quel est ton rapport à ce travail là avec eux ?
" Victor Peynichou le boss du label MSR me suis depuis le premier jour où je suis montée sur scène en 2009 ! Tout comme ma manageuse. Comment dire, ce sont mes piliers. L’équivalent de l’entraineur de foot, là à chaque match, à chaque entrainement… Ils me soutiennent, il m’accompagnent, ils répondent à mes besoins, ils me conseillent, ils m’inspirent, ils me donnent des idées... On grandit côte à côte ! On progresse tous les ans un peu plus ensemble !! Le label MSR a ça de bien, c'est qu’il est bilingue. Michelle Blades autre artiste du label, est américaine et a apporté une touche, une couleur à MSR, aussi parce qu’elle a réalisé des photos, des clips pour les artistes du label, Laure Briard, Kim Giani, moi…"
"C’est une photo que tu as prise à La Rochelle il me semble, pendant le festival des Francofolies ! Devant les catamarans du port ! Type de bateaux que j’adore d’ailleurs. Petite j’étais très téméraire, j’aimais faire du cata à fond les ballons, à en dessaler comme on dit dans le jargon ! Le vent c’est vraiment mon élément, peut-être parce que je suis gémeaux ascendant balance, double signe d’air ! J’aime beaucoup parler des éléments dans mes chansons, l’eau, le sable, le vent… Dans mon morceau "Soulevant" c’est bien mis en évidence !"
Quel est ton rapport à la promotion, aux interviews ?
"J’aime l’échange. J’aime transmettre. J’aime parler. J’aime écouter. J’aime réfléchir… Alors dès que j’ai un.e journaliste un tant soit peu passionné.e et intéressé.e en face de moi pour échanger, discuter, je me régale ! J’aime moins quand c’est très automatique et qu’il n’y a pas un grand intérêt de la part du journaliste … C’est souvent le cas sur les gros médias, je ne suis d’ailleurs jamais très performante dans ce contexte-là. Je suis tellement premier degré et sincère dans ce que je fais, je n’aime pas trop me transformer en représentante de commerce qui vient vendre sa camelote…"
Tu interviewes toi-même d’autres artistes sur Sooo-pop, l'émission que tu animes. Est-ce que ton rapport à la promotion a changé depuis que tu animes l’émission ?
" Non pas vraiment, c’est juste que j’écoute beaucoup plus que je ne parle, et ça me va hyper bien aussi !!"
Quel est ton rapport à l’image, à la mode, aux vêtements ?
"Ma mère était créatrice de mode. D’ailleurs petite, j’étais souvent modèle sur les shootings de ses collections. Et j’adorais la voir dessiner. Sa marque s’appelait Ecusson, c’était pour enfants et futures mamans. Donc j’ai baigné dans cette ambiance modeuse. Ma mère m’a sensibilisé aux grands couturiers, aux créateurs… Elle a d’ailleurs été mannequin dans sa jeunesse… Hélas je n’ai pas hérité de ses 1m80, je suis plus Vincent, j’ai pris le sang italien… Mon surnom est Vincenzo."
Tu as aussi créé des collections capsules avec des marques, des collaborations...
" On a créé une veste avec la créatrice Colombine Joubert pour la marque Atelier D. Avec une inscription Nuit Sans Sommeil brodée. Elle est trop belle !! J’ai aussi collaboré avec la marque Ateliers Bartavelle sur une série de T-shirt « JMY ATTENDAIS PAS » brodés multicolore, hyper réussis, comme celui que je porte sur la photo devant les bateaux à La Rochelle."
"Voilà une autre veste qu’a crée Colombine Joubert, cette fois çi pour sa marque Orphée Studio !"
Comment envisages-tu la suite avec peut être moins de concerts possibles cette année ?
"Beaucoup de mal à me projeter... C’est vraiment l’inconnu. Je me suis équipée de matériel pour faire des vidéos à la maison, des lives confinés. J’aime ça ! Je pense proposer des concerts bientôt, avec un système de billets d’entrée comme le fait déjà mon pote Kim Giani sur Zoom."
"Voici la photo de Garçons, un groupe qu’on a monté avec Zaza Fournier, Carmen Maria Vega et Raphael Thyss. Un groupe de reprises de chansons d’hommes qui parlent de femmes… La photo c’est pendant la nuit sans sommeil qu’on a organisé avec mon label pour la sortie de mon deuxième album "Nuits sans sommeil" où tu étais ;-) On a loué un car et emmené une trentaine de personne jusqu’au bout de la nuit ! Là on est dans un resto routier, en concert non amplifié au milieu des carottes râpés et du pâté en croute ! Quelle rigolade !! Bizarrement c’était un moment hyper émouvant !"
Tu fais de la musique, partout où tu peux, avec tes ami.e.s, Garçons, A la Mode, le duo avec Kim, sans compter les participations diverses et duos…
"Autant je suis très fidèle en amour, autant je suis très volage en ce qui concerne les projets artistiques. Je ne me mets aucune limite ! C’est comme ça que je nourris ma créativité et surtout que je prends du plaisir ! J’aime beaucoup jouer avec Kim Giani par exemple qui est un artiste multi instrumentiste, hyper prolifique, punk au possible - pour ne pas dire anarchiste - qui est passionnant et qui aime mon jeu de piano au point de me demander souvent de l’accompagner ! On adore l’improvisation !! On adore jouer sans faire de chichi ! On a horreur des gens qui se prennent au sérieux, on rigole comme des gosses !"
Lio, une icône pop. On te compare souvent à elle, et je crois que tu travailles avec elle. Que t'inspire sa carrière ?
"J’ai la chance d’avoir passé une semaine dans mon studio avec Lio. On a simplement travaillé sur les tonalités de ses démos, sur l’interprétation, on a enregistré des voix pour voir... C’était fou de se retrouver à la console de mon studio pour la reine de la french pop ! J’avais des frissons tout le temps…"
"Sur la plage d’Etretat, à chanter avec Pépite et Fishbach au lever du soleil, une reprise de Brigitte Bardot, au matin de la nuit sans sommeil qu’on a organisé pour fêter la sortie du 2ème album…"
Tu es l'une des figures de proue de la nouvelle scène French Pop. Comment te sens-tu à l’intérieur de cette scène ? Qui sont les gens que tu aimes et apprécies ?
"Je trouve tous les projets de pop française hyper intéressants en ce moment, pour ne pas dire passionnants ! De The Pirouettes en passant par Catastrophe, Kim Giani, Juliette Armanet, Fishbach, Marie Flore, Jo Wedin et Jean Felzine, Alma Forer, Baptiste Hamon et j’en passe plein plein plein… Tous ont en commun de chanter en français et d’avoir une vraie pâte, beaucoup de personnalité et du rêve à revendre ! Le niveau est très impressionnant je trouve ! Les prods sont ouf, les paroles sont recherchées, poétiques, harmoniquement c’est riche aussi… C’est pas de la blague !!"
Ce qui ressort de ta carrière, c’est aussi ton côté fédérateur, sympathique, encourageant. Tu animes des émissions sur la pop, tu organisais des soirées aux 3 baudets réunissant beaucoup d’artistes, tu as présenté la dernière soirée du Fair…
"Je trouve que le mouvement French Pop mérite qu’on s’y intéresse et qu’on le défende !! On est un peu le jazz à l’époque où le Rock and Roll est arrivé. Je veux dire par là qu’on est une espèce rare à protéger !! Il faut surtout se serrer les coudes, montrer un bonne image du mouvement, s’entraider du mieux que possible pour faire vase communiquant.. Bref, se mettre au service de la French pop !!"
Pour le premier anniversaire de Faces Zine, nous avions organisé une interview croisée avec The Rodeo, Jo Wedin et toi où nous avions évoqué la place des femmes dans la musique. Depuis tu as sorti un titre qui s'appelle "Sexe d'un garçon". C'est quoi aujourd'hui être une chanteuse, une femme productrice, auteur/compositrice ?
"Être chanteuse est un travail de longue haleine ! Apprendre à se faire respecter, prendre confiance en soi, éviter les coups, donner son maximum. Ça demande un investissement personnel et émotionnel à la limite du raisonnable. On n'est jamais tranquille… En ballade sur la plage on est préoccupée par un couplet qui ne vient pas, par un clip qui ne se passe pas comme on le voudrait, la nuit on revit les concerts, le matin on répond aux sollicitations. Je crois qu’il n’y a pas un jour que "Dieu fait" où je ne pense pas à ma musique, à la suite, à comment rebondir.. C’est tellement passionnant et prenant que je ne lâche pas. On n'a jamais aucune preuve que le travail est bien fait. Tout est impalpable, incertain. On est sujette à la critique, on doit toujours sourire. Je pense que si on n'aime pas un minimum notre métier, on est foutue !!"
Regarder vers le futur ?
"Ou vivre au jour le jour… Dans mon métier j’ai appris à ne voir jamais au-delà d'un an… Et encore c’est le max ! Et ce "non horizon" me donne l’impression d’être super libre… C’est peut être une projection de mon esprit. En tout cas depuis 11 ans que je vis de ma musique, je n’ai pas vu le temps passer. Et sinon pour parler concrètement, j’écris mon 3ème album, je suis en pleine traversée, aucune terre en vue pour le moment et beaucoup de houle !"
"Tropi-Cléa", EP disponible chez Midnight Special Records
Retrouvez Cléa Vincent dans l'exposition "Chanteuses de France" sur Faces Zine