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Niki Demiller ou l'aventure pop sociale


Niki Demiller est un type charmant. Avenant, souriant, il dégage une sympathie immédiate. Son deuxième EP, "L'aventure" a pour toile de fond le monde du travail. Une épopée en 4 titres sur la Défense et le blues du businessman, avec juste ce qu'il faut de dérision et d'esprit ludique pour en faire un objet pop : « Je veux faire un concept album sur le monde du tertiaire, du service. J’ai bossé la dedans pendant 10 ans, et j’ai tellement sillonné l’Ile de France pour mon travail, circulé en Autolib, au bout d’un moment j’ai eu envie de raconter ça : le périphérique parisien, les chambres d’hôtel des VRP en déplacement, le rendez-vous commercial qui se joue comme un duel. Et en faisant le clip de «L’aventure» il y a un an et demi à la Défense, ça m’a vraiment donner envie de raconter cette histoire. »


Une histoire à la banalité fantastique, au sens métaphorique, qui trouve son origine dans une expérience vécue, un traumatisme social que la plupart des gens vivent sans trop se poser de questions : «Je ne veux pas avoir l’air de critiquer le milieu du travail. Maintenant que je fais de la musique, je veux dresser un tableau poétique d’un quotidien qui n’a rien d’artistique et qui est le quotidien de milliers de gens dans le monde. Je ne suis pas un porte parole. Mais en vivant ça, il y avait des images qui me venaient, et comme je l’ai perçu de manière violente parce que ce n’était pas la vie pour laquelle j’étais fait, je le transforme.»

Il est vrai que Niki Demiller a fait le chemin inverse de la plupart des musiciens en ayant d'abord eu une vie rock avant de bifurquer vers l'expérience de la routine du tertiaire. Son groupe, les Brats, était une figure de proue de la scène des baby rockeurs au milieu des années 2000, au même titre que les Naast, les Plasticines et autres Second Sex. « J'ai commencé la musique à 13 ans avec les Brats, et on a arrêté le groupe à 20 ans. Ça a été une expérience assez douloureuse en fait. On s’est retrouvé dans la gueule du loup sans y être préparé, et on a été mis de suite en tête de gondole alors qu’on était pas prêts à cette expérience là. Les seuls qui n’ont pas splitté, ce sont les BB Brunes.Quand le groupe s'est séparé, j’ai voulu enchainer avec un projet solo, mais c’était trop frais. J’avais enchainé un peu vite.»

Pourtant, avec le recul, cette scène rock a été la première à réhabiliter le français dans la musique pop en dehors de la scène chanson, après des années de moquerie et de complexes vis à vis de l'Angleterre. « Si on compare avec la scène punk de 1977 en France, la génération Rose Bonbon, ça a duré 2 ans. Alors que finalement, la scène des «Bébés Rockeurs» a duré 5 ans. Et on remplissait des salles, on faisait la Une de la presse généraliste. Ça avait une certaine ampleur qui n’était pas qu’un truc de journalistes. Et puis ce n’était pas qu’à Paris. On remplissait des salles en province sans avoir sorti de disques. Le nôtre est sorti quand le soufflet est retombé, mais c’était une chouette expérience de travailler avec Yarol Poupaud sur la prod. »

S'ensuit donc un premier EP peu assumé, un ras le bol musical, et une renaissance artistique : « Je n’ai pas beaucoup de recul sur ce premier EP. A l’époque, je saturais un peu avec la musique et j’ai d’ailleurs arrêté pendant des années. J’ai trouvé un boulot. Et puis j'en ai eu de nouveau marre de ce boulot. Travailler dans un milieu qui n’était pas le mien m’a donné envie de refaire de la musique, mais à travers les études. J’ai décroché une bourse et j’ai fait des études d’arrangements, d’orchestrations. J’ai eu la chance d’apprendre la direction d’orchestre. Je souffrais beaucoup du complexe de l’autodidacte. A 14 ans, je voulais faire les Ramones et les Stooges, mais mes ambitions artistiques ont évolué. Mais je n’avais pas les moyens de mes ambitions. C’est un peu pour ça que j’avais jeté l’éponge à l’époque. Je n’avais pas les clés de la musique que j’avais dans la tête. J’ai une vue beaucoup plus précise aujourd’hui.»

Et effectivement, le point de vue est très différent de la musique rock au sens stoogien du terme, alternant envolées lyriques et twist électronique dans une production très sophistiquée qui rappelle autant la soul sixties que la pop de Mustang : « Je suis très fan de Mustang. J’adore l’album «A71», le côté « des hommes qui suivent des machines ». Il y avait un peu ça sur leur premier album. Un côté très organique, mais avec des machines. Après j’ai écouté beaucoup de musique des années 60, donc c’est possible que ça m’ait influencé. Au niveau de la musique, mon Dieu c’est Brian Eno, ce qu’il a fait avec Talking Heads et Bowie. Au niveau des voix, c’est plus ça qui m’a influencé en tout cas que les années 60.»

Derrière la gouaille de sa voix éraillée, perce en tout cas un savoir faire et une minutie qui ajoutent au côté robotique du sujet des chansons, nouvel héritage de son apprentissage récent : « Je voulais mélanger des claviers analogiques avec un quatuor à cordes, des chants lyriques, et tout ça je l’ai écrit. Je suis trop cartésien pour faire une musique bordélique et j’avais besoin de maîtriser les choses, la théorie, l’harmonie. Ça m’a fait tomber amoureux de la musique.»

Et nous, cet EP nous a tellement plu qu'on attend fermement, et sans préavis, l'album de Niki Demiller, prêt a faire des heures sup pour une chanson comme "L'aventure", petit chef d’œuvre d'orchestration pop.


SOUS NFLUENCES DIVINES

« C’est David Cronenberg qui m’a le plus influencé. Ce concept de «Blues du tertiaire» ou on te répète que tu es ta fonction me fait penser à son cinéma. La machine fait fusion avec l’individu. Ce côté anxiogène et la fusion de l’homme avec la matière ma parle beaucoup.

Je suis très fan de Brian Eno, notamment «Another green world» que j’adore. Ce sont un peu des chutes de ce qu’il a fait avec Bowie. Sinon j’adore les Talking Heads, «Remain in light». Bertrand Burgalat aussi. J’ai écouté son dernier album en boucle cette année. J’adore les artistes signés sur Tricatel. J’aime beaucoup Alister. C’est un artiste qui m’a beaucoup influencé. Et puis Mustang. «A71» est un des meilleurs albums du rock français.

«Le démon» de Hubert Selby Junior m’a beaucoup marqué. Cette envie de faire des choses extrêmes pour ressentir quelque chose est très puissante. Plus son ascension sociale progresse, plus son état de santé se dégrade. Ça m’a beaucoup inspiré. Sinon Bukowski, «Les contes de la folie ordinaire». Et Houellebecq. «Extension du domaine de la lutte» est son livre qui me parle le plus et qui a influencé mon projet. Je me suis beaucoup retrouvé la dedans.

J’aime beaucoup Robert Hossein. J’aime bien sa gueule puissante. J’ai revu «Venus Beauté» il n’y a pas longtemps, et je le trouve hyper troublant dans ce rôle. »

Niki Demiller, "L'aventure", EP le 29 Novembre

En concert le 29 Novembre à L'International avec Jo Wedin.



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