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Les actrices qui chantent

Brigitte Bardot, Catherine Deneuve, Marie Laforêt, Lou Doillon…La récente visite de l’exposition « Daho l’aime pop », ou un nombre conséquent d’actrices ayant enregistré des albums figurent parmi les joyaux pop sélectionnés par l’ami Etienne , et la discussion récente avec Pascale Borel, qui nous parlait de son duo avec Valérie Lemercier, nous a donné envie de nous pencher sur ce phénomène assez français, et de vous parler de nos 5 albums préférés dans cette « niche » discographique plutôt passionnante.

JEANNE CHANTE JEANNE / 1970


Comme nombre de ses consoeurs (de Danielle Darieux à Isabelle Huppert), Jeanne Moreau a enchanté plusieurs films de sa voix légendaire. De l’inaugural « Jules & Jim » de Truffaut qui nous fit découvrir son timbre élégant, à « Querelle » de Fassbinder en passant par « India Song » de Duras, la voix mythique de Moreau a enrichi beaucoup de scène cultes du 7ème art. Et bien qu’elle se soit défendue de faire une véritable carrière de chanteuse, sa discographie est parsemée de pépites phonographiques qu’il serait dommage de ne pas considérer comme majeures, notamment son album « Jeanne chante Jeanne ».

L’album sort en 1970, et pour la première fois depuis ses « débuts » dans la chanson accompagnés par Serge Rezvani, Jeanne Moreau signe tous les textes de cet album, composé par Antoine Duhamel et Jacques Datin. Encouragée par son psy de l’époque à écrire ses états d’âme, Jeanne livre des textes très personnels sur sa condition d’actrice (« la célébrité, la publicité »), de femme (« Errante du cœur »), son enfance (« L’enfant que j’étais »), sur des musiques allant de la samba brésilienne au sirtaki, le tout formant un disque de chanson française estampillé rive gauche. Le disque, malgré des sonorités assez variées, est très cohérent grâce à la voix parfaitement juste de Moreau et une écriture vive, intelligente, et extrêmement touchante. On passe de la chanson d’actrice pure (« Juste un fil de soie », « Quelle histoire ») à des réflexions chantées plus philosophiques, le tout formant un album très accessible et plutôt joyeux. « Le vrai scandale c’est la mort » acmé déchirant d’intelligence qui clôt l’album nous fait regretter qu’elle n’ait pas considéré de manière plus importante sa carrière d’auteur/chanteuse.


PULL MARINE, ISABELLE ADJANI / 1983


Isabelle Adjani est probablement l’actrice française la plus emblématique, la star aux « verres fumés, pour montrer tout ce qu’elle veut cacher » à l’indépassable aura, qui a accumulé les récompenses et les unes de magazines. Mais elle est aussi l’« actrice qui chante » au hit indiscutable. « Pull Marine », tube de l’année 1983, est devenue au fil du temps, une chanson incontournable de la variété française, reprise aussi bien par Alex Beaupain que par les candidats de télé-crochets.

Composé et écrit par Serge Gainsbourg, l’album contient deux autres chansons cultes, « Ohio » et « Beau comme Bowie », qui achèvent de considérer cet album, qui a certes un peu vieilli, comme un classique indiscutable, le mètre-étalon de l’actrice chanteuse, la sophistication et le charme d’Isabelle emportant tout sur leur passage.

Mais la force de l’album réside aussi, et surtout, dans la manière de chanter d’Isabelle Adjani. A contrepied des accents Birkiniens susurrant les textes de Gainsbourg, Isabelle joue de son vibrato étincelant sur des nappes synthétiques qui restent étrangement modernes (« Je t’aime idiot »), et joue de son expressivité légendaire pour masquer le manque d’inspiration de quelques titres un peu faibles (« D’un taxiphone », « Et moi chouchou »), seules fautes de goût d’un album remarquable. Adjani réussit là ou Deneuve avait échoué deux ans auparavant avec l’album « Souviens-toi de m’oublier » bizarrement désincarné, et réussit à s’accaparer les chansons de Gainsbourg avec un panache assez populaire, une empreinte vocale irrésistible, et une modernité que l’on retrouve aujourd’hui chez Alka Balbir, héritière légitime de la belle Isabelle que l’on aurait aimé, une fois de plus, entendre de nouveau en chanson.


VALERIE LEMERCIER CHANTE / 1996


Valérie Lemercier, actrice fantaisiste star depuis le début des années 90, est au sommet lorsqu’elle sort son premier (et unique) album en 1996. Composé par Bertrand Burgalat, c’est aussi le premier projet du label de ce dernier, Tricatel, qui deviendra par la suite un laboratoire pop dévoilant les projets iconoclastes les plus intéressants de ces dernières années, de Michel Houellebecq chanteur de charme, aux albums de Chassol ou Catastrophe, collectif inspiré dont le premier album « La nuit est encore jeune » vient de paraître.

On aurait pu craindre, vu la propension comique de son interprète, un album dans la surenchère troupière, à la manière d’une Annie Cordy branchée. Il n’en fut rien. Habillées par les arrangements luxurieux de BB, les chansons de Lemercier sont des comptines pop qui doivent autant aux égéries 80’s (Lio, Mikado) qu’aux élégantes ritournelles de Bourvil (« Paris secret »). La diction très personnelle et légèrement décalée de Valérie Lemercier apporte un charme inouï à des chansons parfois casse-gueule (le chachacha de « Taisons-nous »), mais aussi très "premier degré" dans l’observation amusée de certains détails du quotidien (« Dormir dans ton lit »), ou des vacances organisées (« Bungalow »). Le mariage entre la personnalité de Lemercier et les écrins musicaux easy listening (qui rappellent parfois un autre BB : Burt Bacharach) font de cet album une pure réussite qui mériterait une suite. Valérie Lemercier poursuit malgré tout une carrière d’actrice qui chante en dilettante, accompagnant de son timbre (a)typique les chansons de Pascale Borel, The Divine Comedy, Gregori Czerkinsky, Christophe Willem ou Marc Lavoine.


DISTANT LOVER, EMMANUELLE SEIGNER / 2014


Emmanuelle Seigner a pour elle une singularité qui fait défaut à bon nombre de chanteuses pop. Absolument inclassable, tant comme actrice que comme chanteuse, elle poursuit une carrière hyper intéressante d’égérie « active », se jouant des clichés parfois sexistes qui accompagnent les interprètes féminines, tant dans la chanson que dans le cinéma. Forte d’une proposition musicale cohérente, elle s’est entourée jusqu’à présent dans ses albums de producteurs inattendus (Ultra Orange, Adam Schlesinger, le duo Keren Ann/Doriand) et de collaborations rock à faire pâlir d’envie les aspirantes pop stars (Iggy Pop, Brett Anderson, plus récemment The Limiñanas).

Son dernier album en date, « Distant lover » est à ce titre parfait : une collection de chansons qui collent aux neurones entre pop bubblegum (« Distant lover ») et rock new yorkais (« Bore me to tears », « I don’t believe you »). D’ailleurs, des reprises du Velvet Underground et de Divine balisent cet album aux accents tubesques, avec des chansons qui auraient dû arriver au sommet (« Ever together ») si la pop était encore la force vive de l’industrie musicale. Mais qu’importe, la marge sied mieux à Emmanuelle Seigner et son aura sulfureuse de madone underground, plus proche de Blondie que de Bardot. Sa sincérité musicale transpire sur cet album, qui loin d’être un caprice d’actrice, mériterait d’être réévalué au plus vite.


REST, CHARLOTTE GAINSBOURG / 2017


Comme Emmanuelle Seigner, Charlotte Gainsbourg fait désormais partie du cercle des actrices/chanteuses qui sortent des albums régulièrement – malgré une interruption de 20 ans dans son cas - et qui construisent une double carrière des plus personnelles, assez loin des coups marketing capricieux de certaines comédiennes. Dans le cas de Charlotte Gainsbourg, sa carrière musicale sous influence familiale a démarré à l’adolescence, entre cris (le scandale « Lemon Incest ») et chuchotements (le mini tube « Elastique » en 1986), s’étant poursuivie de manière épisodique avec le duo « If » en compagnie d’Etienne Daho et la chanson « Love etc… », générique du film du même nom de Marion Vernoux sorti en 1996.

Dorénavant maîtresse de son destin musical, elle enregistre à intervalles réguliers des albums aux collaborations chics (Air, Beck, Conan Mockassin) assez réussies. Tout a été dit, écrit, commenté sur le dernier album en date de Charlotte Gainsbourg. Son passage à l’écriture, au français, ses blessures familiales intimes, fils conducteurs d’un disque par ailleurs emprunt d’enfance (« Ring a ring roses ») et non exempt de second degré (« I’m a lie » et son côté Vladimir Cosma). Les soupçons de népotisme dus à un patronyme pesant pour la musique en français sont au final obsolètes, la personnalité musicale de Charlotte se faisant de plus en plus précise et originale. Les sons déchirés de Sébastian allant parfaitement bien au timbre discret et aux fêlures aigues (« Kate ») de son interprétation, rappelant ses premiers enregistrements. Les chansons se font dansantes (« Sylvia says », « Deadly Valentine ») et les mots crus (« Lying with you »), le tout formant un album audacieux, et qui annonce une suite musicale que l’on espère riche et longue. En tout cas, Charlotte continue de fasciner, et bien qu’impudique par moment, absolument sincère.

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