(valérie kaprisky par nicolas vidal)
80’s à vie. Il y a des actrices dont le talent reste malheureusement figé dans le temps, encapsulé dans une époque. Comme un polaroïd instantané, un symbole malgré soi. Beaucoup d’actrices qui ont éclos dans les années 80 ont fait un parcours remarquable et remarqué à l’image de Juliette Binoche, Sandrine Bonnaire, Emmanuelle Béart ou Béatrice Dalle. A quoi ça tient ? Au destin, au hasard, aux rencontres, aux cinéastes surtout, qui ont su envisager ces actrices après les grands rôles qui les ont révélées.
Valérie Kaprisky a eu la chance, ou la malchance, de jouer dans le film qui reste probablement l’archétype des années 80, “L’année des méduses” de Christopher Franck. Film d’été, romance teenage sulfureuse, roman de gare transformé en film érotique vénéneux, tout dans ce film respire les eighties : la nudité sauvage des actrices, Saint Tropez, le bronzage à outrance, les cigarettes sur la plage, le whisky pour alléger les tourments, les chansons de Nina Hagen, le regard bleu azur de Bernard Giraudeau et les méduses méditérannéenes.
Le film mérite d’être revu pour ces raisons, mais surtout pour son duel mère/fille entre Valérie Kaprisky et Caroline Cellier, au summum du “glamour à mort”, qui se battent pour le “plus sexy tu meurs” Bernard Giraudeau. Ajoutez un zeste de perversion féminine archétypale avec le gros cliché du mâle bourgeois tourmenté par une adolescente perverse (la relation entre le personnage de Kaprisky et celui de Jacques Perrin), et n’en jetez plus, nous sommes en 1984 illico.
Le film dépeint assez bien les relations d’amour/haine entre la mère (Caroline Cellier, sublime en bourgeoise désinvolte) qui voudrait rester un peu plus dans la jeunesse séductrice et sa fille qui voudrait lui ressembler mais qui n’a pas son charme et son aura. Dans ce rôle casse gueule et très cliché, Valérie Kaprisky fait des merveilles. Sa moue provocante et son regard insondable font de sa performance un des atouts majeurs du film.
Grande actrice du mystère malgré les rôles un peu clichés de ses débuts, Valérie Kaprisky joue de son corps comme d’une armure. Très souvent nue dans ses deux plus grands rôles - “La femme publique” de Zulawski et celui-ci - elle arrive à capturer une émotion dans des scènes où la force se conjugue au lâcher prise. La scène de danse/transe de “La femme publique” et celle de danse/meurtre dans “L’année des méduses” pourraient paraître grotesques sans l’implication émotionnelle de l’actrice, prisonnière de la tendance des hommes à ne montrer que des corps désirables, alors que l’actrice/personnage joue sa vie.
Les cinéastes n’ont d’ailleurs pas su exploiter cette veine sauvage quand l’actrice a décidé de remettre ses vêtements. Prisonnière de sa nudité et des préjugés, Kaprisky avait pourtant montré sa capacité à endosser des rôles subversifs. Seuls Raoul Ruiz et Pascal Thomas, dans un rôle secondaire à contre emploi, ont vu autre chose en elle et ont su mettre en valeur son talent. Prisonnière des années 80, l’actrice continue cependant de travailler, notamment dans des soaps opéras frenchy. Mais il serait bon de réévaluer cette actrice hyper intéressante, qui à l’heure des débats sur le male et female gaze apparaît comme un symbole du cinéma de ces années-là, pour le meilleur comme pour le pire.