Edito par Nicolas Vidal
Au royaume des chanteuses de France, il y a cette catégorie très particulière des actrices qui chantent. Longtemps sous les mots de Gainsbourg, puis de Biolay, puis de Beaupain, nombre d'actrices fameuses ont tenté l'aventure, avec plus où moins de succès et de réussite artistique. Mais c'en est fini des égéries. Les filles d'aujourd'hui jouent, écrivent, composent, produisent, et actrices où pas, sont passées maîtresses dans l'art du crossover. Stéfi Celma est assurément l'une d'entre elle. Actrice à succès grâce à la série "Dix pour cent", elle a sorti cet automne son premier titre très réussi, "Maison de terre", sous les influences conjuguées de la chanson française à texte et des rythmes caribéens, quelque part entre Moustaki et Césaria Evora. Une voix qui aurait vécu mille vies et un charme mélancolique auquel on ne s'attendait pas ont fini de faire de ce titre un compagnon de confinement subtil, et nous a donné envie d'en savoir plus sur son parcours d'artiste, dont on attend la suite avec ferveur.
ENTRETIEN et PHOTOS: Nicolas Vidal
Je crois qu’avant d’être comédienne, tu faisais déjà de la musique…
J’ai démarré par la musique effectivement, et c’est par la musique que j’ai eu accès à la comédie. A l’époque de MySpace, j’avais posté 2 chansons, et un directeur de casting qui s’occupait de comédies musicales, faisait le casting de « Sol En Cirque", un projet initié par Zazie notamment. J’ai passé une audition et ça a marché. Puis il m’a ensuite contacté pour une autre comédie musicale écrite par Laurent Ruquier autour des chansons de Charles Aznavour, « J’me voyais déjà » mise en scène par Alain Sachs, qui m’a donné accès à la comédie. Une autre directrice de casting est venue voir la pièce et m’a proposé de faire des essais pour une série… Moi je n’avais jamais pensé à ça, mais c’est venu par ce biais là. D’ailleurs quand elle m’a rappelé pour me dire que j’avais le rôle, je n’y croyais pas, j’étais en studio et j’avais presque oublié cette histoire. Je croyais que c’était une blague ! J’y suis allé en mode cool, pour moi passer une audition c’était déjà faire le film, puis je repartais dans ma vie.
Du coup ça te poursuit puisque dans « Dix pour cent », tu chantes également. Est-ce que les scénaristes savaient que tu chantais ?
C’est un concours de circonstances. Je passais les essais pour la première fois en février, et en juin on me dit que Cedric Klapish (réalisateur de la première saison) veut me voir. C’était la veille de la fête de la musique et j’allais répéter après le rendez-vous, donc j’avais ma guitare avec moi. Je la pose naturellement, et il me demande si je suis musicienne. Je réponds que non, que je m’accompagne juste car je ne voulais pas qu’il me demande de jouer un truc de ouf. Mais il me demande quand même si je peux lui jouer un truc à la fin. Et j’avais joué « Chega de saudade » de Joao Gilberto. Le personnage au départ ne devait pas chanter dans la série, mais il me parle d’une scène ou le personnage devait faire un monologue, et il me dit que ça serait bien de finir en musique. Et c’est venu comme ça.
Ton premier titre « Maison de terre » est dans une atmosphère musicale caribéenne, cubaine qu’on n’attendait pas. Peu de chanteurs ou chanteuses françaises se sont aventurés dans ces influences, ils sont plutôt allé vers la bossa nova… Comment es-tu arrivée à ce son là ?
Il n’y a rien de nouveau dans ce son, mais ça m’a pris des années de recherche ! J’aime beaucoup la bossa, ça fait partie de mes influences, mais pour le coup, on n’est pas dans cette pulse là c’est vrai. En fait, moi je suis très touchée par les voix et les atmosphères sonores. Quand j’entends une chanson, je vais décortiquer le son. Je pensais même plus jeune à devenir ingénieur du son. Pour « Maison de terre », j’étais en studio avec Imani Assumani avec qui je fais ce projet, et un ami à lui m’a fait écouter un son que je n’avais jamais entendu ailleurs : des guitares très authentiques qui prennent beaucoup d’espace, et en même temps un peu bricolées et très précises, avec des atmosphères synthétiques, des sons de synthé presque analogiques. Et ce son m’a immédiatement plu. Quand je l’ai rencontré, je lui ai demandé comment il faisait. Il vient de l’urbain, moi j’expérimentais sur Garage band, en essayant de traiter les guitares de manière très larges, je faisais les percus avec ce que j’avais sous la main. Et en terme de voix, je suis sensible à la chaleur du timbre. Mais du coup, ce son est venu au fil des rencontres, en faisant des expérimentations.
La manière dont tu chantes sur « Maison de terre », c’est comme si on entendait une sorte de sagesse dans ta voix. Comme une vieille âme qui raconterait une histoire, alors que dans « Dix pour cent », on t’avait entendu chanter de manière plus pop avec Julien Doré. On parle souvent de Cesaria Evoria pour évoquer ta musique, qui elle, pour le coup était une chanteuse plus âgée…
C’est très flatteur cette référence, c’est gentil mais c’est beaucoup trop. C’est une chanteuse que j’ai beaucoup écouté et qui m’a fortement influencée. Je suis sensible aux voix très chaudes, comme sa voix, ou celle de Maurane qui était une grande interprète. Ensuite sur le côté vielle âme, je pense que ça vient aussi de mon histoire. J’ai grandi avec une soeur handicapée, et très jeune, on me disait que j’avais un regard d’adulte, ce que je ne comprenais pas à l’époque. Moi je suis née avec elle, et tous les jours tu vois quelqu’un que tu aimes profondément être en difficulté, et tu te dis qu’il faut profiter de cette vie, alors que j’étais jeune. Je ne sais pas s’il y a un lien avec ce côté vielle âme, mais c’est vrai qu’en tout cas, cette sagesse là, ce sont les expériences que la vie m’a mis sous le nez. J’essaie toujours de relativiser, même si je suis quelqu’un d’assez angoissée.
Est-ce que le succès ou la reconnaissance apaise les angoisses ?
Paradoxalement, non. Ça fait à peu près 13 ans que je suis comédienne, et je me dis maintenant que j’ai ma place. Avant, vu que je n’avais personne dans ma famille qui faisait ce métier, je me demandais si j’étais à ma place. Je n’avais pas de référent, je me demandais toujours si le prochain film ce n’était pas un coup de chance. Même si je suis très travailleuse. Et le succès peut angoisser aussi. Avec « Dix pour cent », quand les gens te disent qu’ils aiment, tu ne veux pas les décevoir. C’est une autre pression. Mais ça valide quand même aussi ton travail.
Avec la musique, tu rentres encore plus dans l’intimité des gens, et ton titre est sorti dans une période très particulière. Est-ce que tu as conscience que tu as pu accompagner des gens dans ce moment précis ?
Ce qui est assez fou, c’est que je lis des messages de gens qui reçoivent une émotion, qui s’approprient la chanson, qui leur évoque autre chose, et c’est très fort. Ça donne envie de continuer à partager des choses comme ça. C’est quelque chose qui part de ma guitare et de mon coeur, et que des gens se reconnaissent dans ça, c’est encore plus fort. Au cinéma, tu joues des rôles, alors que là, tu te présentes à nu. C’est très flippant, mais quand les gens le reçoivent, c’est très touchant et ils te le rendent au centuple. C’est très fort.
D’autant plus que tu as eu plusieurs films qui sont sortis cette année et qui ont eu une vie compliquée, comme « Miss » de Ruben Alves.
C’est dur aussi car je vois mon entourage qui est très touché, des gens qui font ce métier depuis 20 ans et qui sont en galère totale. Ça me touche trop. Le gens doivent changer de métier… C’est difficile à vivre parce que si ça dure trop, comment vont faire les gens pour s’en sortir financièrement ? Il y a une réelle angoisse, donc on ne peut pas bien le vivre. Concernant « Miss », c’est vraiment un film magnifique et j’espère qu’il pourra ressortir. En plus, il a eu un bel accueil critique, donc c’est très frustrant de voir qu’il ne peut pas sortir normalement.
En France, il y a une certaine tradition des actrices chanteuses, de Vanessa Paradis à Charlotte Gainsbourg, en passant par Emmanuelle Seigner. Comment t’inscris-tu dans cette histoire là ? Est-ce que cela évoque quelque choses pour toi ?
Je suis très admirative de toutes les femmes que tu viens de citer, et si j’ai la chance de faire le quart de ce qu’elles ont fait, ce sera magnifique. Je me considère comme une interprète, mais également comme une créatrice. Je compose mes chansons, tout part de moi, même si je collabore avec des gens. Je sais précisément ce que je veux et ne veux pas, et j’espère avoir la possibilité d’exprimer au mieux ce que j’ai dans le coeur, la voix et les mains.
C’est quoi la suite musicale pour toi ?
Avant « Maison de terre », j’étais encore un peu frileuse. J’ai eu envie de monter mon label pour que le titre vive, soit diffusé. L’idée serait d’aller sur un EP dans un premier temps. Ça va rester « chanson », car je suis une amoureuse de la chanson, des textes, et on travaille en ce moment sur le son. Je viens des Antilles, j’ai une chaloupe, un rythme, et on ne peut pas me faire chanter trop vite. L’idée c’est de proposer quelque chose qu’on aura travaillé en mode labo. Je suis très fan de cette façon de travailler, en home studio avec Imany, avec les auteurs Camille Yembé et Ghandi. On cherche ensemble, on travaille les uns pour les autres, et l’idée est de pouvoir aussi mettre ces artistes en lumière.
En ce moment, l’artiste numéro un en France, c’est Aya Nakamura. Qu’est ce que cela t’inspire ?
Je trouve ça génial, je suis fan d’Aya. Quand « Pookie » est sorti, j’ai trouvé ça énorme. Elle a une énergie, un flow, un son qui lui est propre. Elle a été chercher du côté du Nigéria en terme de prod. Sa dernière chanson « Doudou », ce sont des sons que tu peux trouver là-bas, comme chez Tekno. C’est une scène incroyable, avec des artistes comme Burna Boy, très créative, ils ont peur de rien. Des majors vont créer leurs labels là-bas. En allant également à Kinshasa, je me suis pris une claque humaine bien évidement, mais aussi musicale. Tu vas en studio, les mecs n’ont pas d’instruments, ils prennent ta guitare, ils jouent deux accords, derrière tu veux plus la toucher. Je pense à des artistes comme Game Rose, quand il enregistre, il se met presque en communion avec le lieu, et toi tu es devant, tu ne peux que pleurer tellement c’est incroyable. Il y a quelque avec la musique là-bas qui est très très fort.
Mais ce serait bien que l’apport des artistes noir.e.s ou asiatiques soit reconnu ici aussi, de la même manière.
C’est compliqué, mais en même temps ici aussi il y a un truc qui se passe avec Dadju ou Aya. Et le fait que ce soit une femme c’est très fort. C’est une superbe artiste. Elle a imposé un truc, et ça fait plaisir de voir cette nouvelle scène française.
Musique - “Lauryn Hill, que j’ai découverte dans « Sister Act 2 » à l’époque où elle avait 16 ans et moi 8, m’a fait énormément d’effet. Cette voix incroyable… J’ai vu ce film un nombre de fois incalculable. Et puis « The Miseducation of Layryn Hill » est un album dingue. J’ai eu aussi un gros coup de coeur pour India Harie et son album « Acoustic soul », un album donc très acoustique avec cette voix très chaude. En France, j’ai beaucoup écouté Michel Berger, d’abord parce que mes parents l’écoutaient beaucoup, mais surtout parce que c’est un auteur incroyable. Un peu plus tard, j’ai beaucoup écouté Vanessa Paradis, notamment ce qu’elle a fait avec M. Lui aussi fait partie des artistes que j’adore voir en live. Ce musicien, cette énergie, la communion qu’il arrive à faire avec les gens. Sur Lamomalie avec Toumani Diabaté et Fatoumata Diawara, c’était d’une énergie incroyable. C’est un mec du collectif, et ça se sent. C’est beau à voir. Quand j’ai découvert Asa, ça a aussi été une révélation pour moi. Yaël Naïm me touche beaucoup aussi. Plus récemment la voix de Melody Gardot me plait beaucoup. Elle a une chaleur incroyable, en ouvrant peu la bouche quand elle chante. Sinon Malavoi, qui est un groupe de musique traditionnelle des Antilles a été très important pour moi. Lokua Kanza aussi fait partie de mes fondamentaux. Des gens très différents finalement. J’ai appris le piano classique, et j’écoute toujours Chopin. la musique classique me fait beaucoup de bien. Et puis Joao Gilberto, Elis Regina, Gilberto Gil, j’ai énormément écouté de bossa… Beaucoup d’influences !”
Films - " Evidemment « Sister Act », Whoopi Goldberg forever ! J’ai été, et je suis, une grande fan de Leonardo Do Caprio que j’ai découvert dans « Gilbert Grape » avec Johnny Depp, et ça a été un choc. J’avais des posters de lui partout, je faisais des classeurs de photos… « The notebook » et « Les évadés » ont aussi été importants. Denzel Washington dans « Hurricane Carter » aussi. C’était plutôt les acteurs et les actrices qui me faisaient aller au cinéma. En plus je suis assez obsessionnelle et quand j’aime quelqu’un, je vois tout. Plus récemment, j’ai adoré « Les figures de l’ombre » avec Octavia Spencer. "
Livres - " Je ne suis pas une grande lectrice, mais mon livre de chevet qui m’aide à me cadrer, c’est "Le pouvoir du moment présent" d’Eckart Tolle. C’est un livre philosophique qui donne des petites clés. Je suis sensible à ce genre de récits. J’ai envie d’apprendre sur l’humain, sur moi, sur les autres., comment on peut traverser cette vie le mieux possible… Sinon je lis beaucoup de scénarios, du coup je prends moins le temps de lire autre chose malheureusement. "
Gamerose / MPR / Camille Yembé /Imani Assoumani
« J’ai envie de parler de Gamerose qui est un artiste congolais qui a grandi dans le quartier Victoire, le quartier mythique de Papa Wemba, et c’est un jeune gars qui est l’un des plus grands guitaristes que j’ai rencontré. J’ai aussi envie de parler de MPR, qui est un groupe qu’on a aidé et qui vient de sortir « Semeki ». Ils font tout eux-même et sont super talentueux.
Camille Yembé est une super auteur avec qui j’ai fait « Maison de Terre ». C’est une jeune auteur, compositrice, interprète dont on va bientôt entendre parler j’espère. Elle a 23 ans, elle est belgo-congolaise, et son écriture est tout à fait dans son temps et à la fois intemporelle. Elle peut être ironique, cynique, parfois un peu crue, mais très poétique. Et Imani Assoumani, mon acolyte. A chaque fois que je suis dans le doute, il me dit « Prends ta guitare ». Je suis restée des mois où le doute était trop fort et où je ne jouais pas, et puis un jour, il m’a demandé de faire une guitare sur une prod, et « Maison de Terre » est partie comme ça. »
Un portrait chinois de Stefi Celma à travers ses idoles teenage et celles d’aujourd’hui.
Ton idole teenage
Leonardo Di Caprio
Ta chanteuse Teenage
Lauryn Hill
Ton chanteur teenage
Bob Marley
Ton acteur teenage
Leonardo Di Caprio
Ton actrice teenage
Rachel Mc Adams
Ton crush teenage
Craig david
Ton idole actuelle
Camille Cottin
Ta chanteuse actuelle
Yseult, Yaël Naïm
Ton chanteur actuel
M
Ton acteur Actuel
Fenzel Washington
Ton actrice Actuelle
Camille Cottin
Ton crush Actuel
L'amour de ma vie