Loane Coste se retrouve
- Faces Zine
- 19 juin
- 7 min de lecture

Loane est de retour ! 6 ans après « Alone », un 3eme album introspectif enregistré entre París et Chicago , elle revient cette fois ci avec un nom de famille, Loane Coste, un nouveau label (Kwaidan) et 10 nouvelles chansons qui sentent bon « l’air de la nuit », ses fantômes du passé, ses songes et ses luttes. Enregistré entre la Normandie et la Belgique avec le producteur Taska Black, « L’air de la nuit » renoue avec l’état d’esprit de son « Boby » légendaire qu’elle entonnait avec Christophe, à savoir une balade nocturne mais qui se teinte cette fois-ci de questionnements plus larges : la justice et ses aléas, les violences faites aux enfants, l’éthanol « et ses états ». « L’air de la nuit » est malgré tout un album pop et dansant, la voix de Loane Coste nous guidant au fil de cet album court qui s’écoute comme la transition artistique entre son passé de jeune chanteuse parisienne à la vie nocturne et aux rencontres artistiques (Kravitz, INXS, Michel Gondry) à la femme et l’artiste qu’elle est devenue, plus lucide, et artistiquement accomplie. Avant de la retrouver à la rentrée pour un concert au Mama, et sur la compilation Miramar qui sort le 27 juin et où elle reprend brillament le "Vivre ou survivre" de Balavoine, rencontre avec une écorchée vive pop.
« L’air de la nuit » est ton 4ème album, mais c’est peut être le premier que l’on pourrait qualifier de militant.
Je préfère le mot engagé.
Quelle est la différence pour toi ?
Je n’ai pas forcément envie de convaincre qui que ce soit avec mes chansons. Je milite quand je vais dans la rue, je fais des manifs, je suis dans un collectif très engagé contre les violences faites aux enfants. Ça, c’est une activité militante. La musique est plutôt comme un pont. Je n’impose rien à personne. J’ai notamment deux chansons sur le disque qui sont doucement militantes. Je veux que ça reste une chanson, accessible, que l’on peut écouter. J’ai essayé de rester sobre même s’il y a des mots qui tâchent.
Ta chanson « Sans suite » qui parle de la justice, j’ai d’abord cru que c’était une chanson de rupture qui faisait le parallèle avec le champs lexical de la justice, avant de me rendre compte que c’était vraiment une chanson sur les difficultés que rencontrent les victimes avec elle.
Oui c’est le mot « justice » qui est scandé dans la chanson qui permet d’être plus frontal. Et le son d’une manif qui se fond dans la musique. J’ai monté un festival qui s’appelle 160 000 enfants. Il y a eu énormément d'intervenants, de militants, d’artistes qui ont participé à la dernière édition en novembre. Et pendant ce festival, on a chanté le chant des femmes qu’on a transformé en chant des femmes et des enfants, que j’ai adapté. J’ai pris ce moment de manière symbolique pour le rajouter à la chanson. Je trouvais ça beau de ramener un évènement de mon engagement dans ma musique.
Je fais des interviews depuis quelques années maintenant, et j’ai senti un basculement. Il y a six ans, les chanteuses dans leur grande majorité ne disaient pas qu'elles étaient féministes. Puis elles se sont revendiquées militantes, à juste titre, et aujourd’hui, vous êtes obligées de refaire une distinction. Comment l’expliques-tu ?
L’idée est de ne pas desservir ton projet, même quand il porte des messages. Je suis la même personne quand je milite, quand je vais dans la rue, quand je fais des pancartes et que j’appelle à des actions. Mais là, c’est de la musique. A travers les chansons, on touche les gens mais de manière plus douce. Faire passer des messages entre des chansons qui parlent d’amour, de la vie, de la nuit, des rêves, c’est cela qui m’intéresse. Je parle de ma vie de maman, de ma vie d’artiste. Et dans ce projet, il y a de l’engagement, mais il fait partie d’un tout. Je suis juste une femme, humaine. Militer, c’est aussi être soi même avec ses engagements et ses contradictions parfois.
En même temps, il y a une forme de douceur dans ta voix, une forme de neutralité par rapport aux thèmes que tu abordes.
Ce n’est pas quelque chose que j’ai conscientisé. Pour le coup, c’était plutôt spontané, sans aucunes intentions. Il y a des voix qui ont été enregistrées la nuit chez moi, d’autres en studio.
Est-ce que tu as ressenti une forme d’apaisement à chanter ces chansons-là ?
Chanter des chansons dont j’ai le sentiment qu’elles peuvent servir à quelque chose, même si c’est une illusion, me donne l’impression d’avoir accompli quelque chose pour la première fois. Sans dénigrer ce que j’ai fait auparavant. Et puis faire des chansons, même si elles ne font du bien qu’à une seule personne, ça montre que ça peut être utile.

Dans la promotion d’un disque, j’ai le sentiment qu’aujourd’hui, il est presque plus important de raconter son histoire personnelle, son expérience, que de parler de musique. Dans ton album « L’air de la nuit », il y a une forme de délicatesse dans ta manière d’aborder les violences faites aux enfants, la dépression ou la justice. Il y a une unité musicale, un son, qui n’est pas là uniquement pour mettre en valeur le texte. Comment as-tu procédé avec Taska Black qui a arrangé le disque ?
La rencontre avec Joachim (aka Taska Black) a été géniale. Je suis partie en séminaire d’écriture en Belgique, et je me suis retrouvée à travailler en binôme avec lui par hasard puisqu’on essayait des choses différentes avec les artistes présents. On ne s’était pas encore parlé, c’est quelqu’un de très réservé, moi aussi. Il faisait gris, c’était le matin. On était dans une pièce pour essayer des choses. Et on s’est mis à travailler. On a fait 4 chansons en une journée, qui sont toutes restées sur l’album, dont « Petite » qui est une chanson très intime. Le fait d’être loin de chez moi m’a fait sortir des choses que je n’arrivais pas à exprimer. Les sons qu’il utilisait m’ont amené à sortir cette chanson avec qui j’avais toujours eu des rendez-vous manqués. C’était assez fou. Quand je suis sortie de cette journée, j’avais aussi « L’air de la nuit ». Je suis rentrée à Paris avec mes MP3, et j’ai vu mon producteur Marc Collin à qui j’ai dit que c’était avec lui que je voulais faire l’album. J’avais essayé des choses avec d’autre producteurs, mais le fait de travailler dans la même pièce que le producteur, c’est ça que je voulais faire pour cet album. J’aime avoir les mains dedans, être aussi aux commandes de mon projet, travailler en collaboration. Et puis être loin et ne pas parler la même langue m’a aidé à être plus introspective.
C’est un peu ce que tu avais fait avec ton album précédent qui avait été enregistré à Chicago.
Complètement. J’étais revenue avec une grosse partie de mon album. C’est étonnant comme les chansons sortent quand on n’est plus dans son quotidien, entourés de ses objets, de tous ses miroirs intérieurs. Ça crée une forme d’émotion. Et puis il y a des moments dans la vie ou tu es prêt.e à recueillir ta propre parole. Dans ce cas précis, la musique a été comme une main qui m’a été tendue. L’art, les passions, c’est très important pour chacun. Et pour les artistes, il y a une forme de nécessité à faire les choses. C’est ce besoin impérieux qui ouvre des portes à soi même. Dans la chanson « Dans la tête », on pense que je parle d’un amour, que tous les questionnements s’arrêtent quand je l’ai dans la tête, alors qu’en fait, c’est à la musique que je pense. Tout s’arrête quand je prends le temps de créer des chansons, d’écouter les chansons que j’aime… Je me régénère à son contact. Mais je ne sais pas s’il faut le dire…
Moi je pense que si, car on sort de l’ornière qui dit que la seule chose qui apaise, c’est l’amour ou quelqu’un d’autre. Alors qu’il y a beaucoup d’autres choses qui peuvent nous faire du bien dans la vie.
Oui. J’ai malgré tout laissé un flou, car plein de gens ont d’autres choses qui les apaisent que la musique.
Tu prends ton temps entre deux albums. Le dernier, « Alone », est sorti en 2019.
J’ai changé de vie, je suis partie vivre au bord de la mer. Et ça a changé mon rapport à la vie, à la ville et au temps. Je n’ai jamais été très rapide pour faire mes projets, même si j’ai des fulgurances créatives. Mais l’organisation de tout cela me demande du temps. Et puis j’ai vécu des choses intenses ces dernières années, avec un quotidien très chronophage. La vie d’une chanteuse n’est pas épargnée par le rôle d’aidant des personnes qui vieillissent dans notre entourage. Je fais également partie d’un collectif avec lequel j’ai monté un festival, 160 000 enfants, qui lutte contre les violences faites aux enfants, et dont la prochaine édition aura lieu le 31 janvier 2026 à la Communale à Saint Ouen. Tous ces choix et ces nécessités prennent du temps, et sont aussi importants pour moi. Finalement c’est un prolongement du métier d’artiste, qui au final peut parfois être un métier politique.
Est-ce que parfois, on n’en demande pas trop aux artistes ? Ils sont aussi le réceptacle d’une haine farouche quand l’engagement est très présent. J’ai l’impression aujourd’hui que les artistes qui ne sont pas politisés paraissent moins importants aux yeux des médias. Mais je ne suis pas sûr que toute création soit politique.
Effectivement, ça peut l’être mais c’est un choix. Je n’ai jamais vraiment été politique en musique auparavant, et au final, les chansons engagées sur mon album parlent d’expériences personnelles. Il se trouve que les sujets que j’aborde rejoignent la politique. C’est en ça que je n’ai pas fait un album militant. Le disque s’appelle « L’air de la nuit », il parle aussi des relations amoureuses, de la vie.

Interview et photos Nicolas Vidal
« L’air de la nuit », album disponible (Kwaidan/Idol)
En concert en octobre à Paris pour le Mama
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