Les Chaises x Etat d'Homme : quand le design rencontre le nu masculin

Un portrait chinois est un jeu littéraire de type questionnaire de Proust où il s'agit de déceler certains aspects de la personnalité d'un individu ou d'identifier ses goûts ou ses préférences personnelles.

Si l’on devait faire un portrait chinois de Sebastien Navosad, aka État d’Homme, nul doute qu’il nous répondrait « Une chaise » à la question « Si vous étiez un objet ? ».

La chaise, lieu de repos du fessier, ustensile de sport ou de chorégraphie, mais aussi objet de design, a toutes les qualités de l’objet fétichiste qui sied parfaitement au projet d’État d’homme, photographe qui modèle les corps, les bâtiments et les objets comme une enveloppe à regarder, une surface intime ou glissent des sentiments inavouables parfaitement maîtrisés.

Chez État d’Homme, un corps masculin sur un fauteuil Järpen d’Ikea où une chaise Napoléon, c’est de suite une pose alambiquée qui prend son style dans une forme de surréalisme à la Pina Bausch, à la Man Ray ou comme chez son compatriote français Ionesco : un jeu visuel qui ne prend sens que dans l’imagination du photographe et dans la notre, simples spectateurs d’un spectacle puissant, érotique, queer et formaliste.

Après avoir scruté les visages des garçons qui pleurent en noir et blanc lors de sa première exposition et publication, « Boys Cry Too », Sebastien Navosad s’affranchit de son nom originel pour se réinventer en abstraction masculine sous le pseudonyme État d’Homme et nous offre cette fois-ci un cabaret de poses figées, des corps et des assises comme des armures, des remparts de chair, de cuir, de métal et de bois, et nous prouve une fois de plus sa sensibilité et son point de vue incroyables sur le corps des hommes et la force des objets de design.

Photographe français exilé à Barcelone après un passage par Lisbonne, Etat d'Homme a gardé de ces lieux une cartographie présente dans les corps queer et variés de ses modèles, autant que dans le choix des chaises qu'il accroche à ces corps tatoués ou musclés, ronds ou sculpturaux, qui ne font qu'un dans ces associations. Simples et pourtant très architecturées, ses photos se regardent dans le détail, happés que nous sommes par cette simplicité ultra sophistiquée.

Exposées à Barcelone dans le couloir du Candy Darling, lieu queer de la capitale catalane jusqu'au 15 juin, les teintes légèrement bleutées des photos renforcent la curiosité de ces objets du désir que l'on a très envie de prolonger avec le livre qui donne à voir l'entièreté des clichés pris pour ce projet.

Les garçons pleurent, mais les corps aussi, et même si l’on retient nos larmes devant ces beautés graphiques, État d’Homme nous prouve une fois de plus son talent pour les sujets à double tiroir, leurs associations sentimentales et visuelles.

Texte Nicolas Vidal / Photos Etat d'Homme

Les Chaises x Etat d'Homme, livre disponible ici : https://etatdhommephoto.wixsite.com/etat-d-homme/book

Exposition à Candy Darling à Barcelone jusqu'au 15 juin