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Flora Hibberd, une anglaise et deux continents.

  • Photo du rédacteur: Faces Zine
    Faces Zine
  • il y a 2 jours
  • 7 min de lecture


La France n’a pas toujours reconnu le songwriting country à sa juste valeur. Souvent moquée à cause des clichés qu’elle traîne, il n’y a guerre que Johnny Cash où Dolly Parton qui ont fini par trouver une reconnaissance populaire ici, et c’était il y a bien longtemps.

Il existe désormais une scène indie française emmenée par Baptiste W.Hamon, qui se revendique des grands espaces américains, pour qui Nashville est un fantasme plus qu’une abomination redneck, et qui mélangent une forme de folk/country à la chanson française plutôt pour le meilleur. Lonny, Bobbie, Alma Forrer et consorts marchent donc plutôt dans les pas de Townes Van Zandt que dans ceux d’Eddy Mitchell, et c’est tant mieux. Au milieu de tout ça, est sorti il y a quelques mois l’album « Swirl » de Flora Hibberd, un album d’une beauté renversante aux arrangements soyeux et délicats qui survolent une voix profonde et des chansons parfois pop, parfois folk, mais dont l’unité réside dans la production distante et chaleureuse à la fois. Anglaise d’origine mais parisienne d’adoption, Flora Hibberd a gardé de sa patrie d’origine une forme de distance polie que sa voix profonde et ses chansons parfaites rehaussent d’un éclat americana. Rencontre au bord du canal de l’ourcq avec Flora Hibberd pour un moment suspendu où il est question de country, de famille musicale d’adoption et de la France comme refuge pop pour les chanteuses anglaises.


« Swirl » est ton deuxième album ?

Oui. C’est le premier album en entier, mais j'avais sorti un mini album il y a quelques temps. Là c'est mon premier album produit. Avant c'était surtout du DIY.


Tu es anglaise et tu vis en France, mais ton album sonne plutôt américain.

Je vis en France depuis 2013. J'ai vécu un peu à Londres entre-temps, mais depuis 2017, je suis là en permanence. C'est vrai que mon album sonne très américain. C'est difficile de résister aux charmes de l'americana, avec ses pédales steele. On l'a enregistré aux États-Unis, donc c'est peut-être pour ça. La country et la chanson américaines sont de grandes influences pour moi.


La country est un style de musique typiquement américain qui n’est pas vraiment très connue en France. Est-ce que ce style de musique est plus présent en Angleterre ?

En Angleterre, on entend plus de la musique country que’n France. Après ce que j'écoute comme country, ce n'est pas de la country à la Baptiste Hamon. C'est un mélange de country et de folk. C'est plutôt du Gilian Welch, plutôt de l'Americana que de la vraie country. Je pense que ce qui est ancré dans la tradition anglaise, c'est le folk et les chansons traditionnelles. Cette notion de musique acoustique, non amplifiée dans les pubs, ça marche avec la country car cela vient un peu de là. L'Angleterre est un peu country dans l'esprit, plus que dans les chansons. Cette idée de partager sans médiation supplémentaire est très anglo-saxonne. J'ai joué en Irlande, il y a peu, et j'ai aimé le fait qu'il y ait de la musique partout, au bout de la rue, dans les pubs, n'importe où, la musique, fait partie de la culture. Ce que je ressens, c'est que là-bas, tu te sens faire partie d'une tradition de musique qui a ses racines il y a presque 1000 ans. En France, cela peut exister, en Bretagne par exemple, dans les régions, mais à Paris, je trouve cela moins présent.


Qu’est ce qui t’attire dans les musiques dites traditionnelles ?

J'ai toujours aimé cette idée, de jouer de manière traditionnelle, avec des violons, et de partager cela avec un public. Mes début dans la musique se sont passés comme cela. Cela me rappelle mon enfance. J’ai toujours vu cela. Les chansons qui valorisent l'Irlande, par exemple, ce n'est pas vraiment du patriotisme. En tout cas pas au sens de la droite traditionnelle. Comme dans la country. Cela peut paraître politiquement à droite, mais si tu écoutes des artistes comme Townes Van Zandt ou Johnny cash, on voit bien que cela n'est pas toujours le cas.


Pourquoi as-tu décidé de venir vivre à Paris ? Il y a ici une tradition de chanteuses anglaises qui ont fait carrière dans la chanson comme Jane Birkin où Petula Clark. Est-ce qu’elles ont pu être une influence pour toi ?

Je suis venue ici car je suis tombée amoureuse de la chanson française à 16/17 ans. C'est l'une des raisons qui m'a poussé à venir en France pour apprendre la langue et pouvoir comprendre les chansons que j'aimais. Donc effectivement, peut-être que des chanteuses comme Jane Birkin qui faisait de la chanson française dans les années 60/70 m’ont inconsciemment influencé. Mais je n'ai pas beaucoup réfléchi à ce que c'est qu'être une chanteuse anglaise en France. Je suis venue pour la chanson, et j'ai aimé la vie ici. C'est une vie très différente que la vie à Londres. La ville a une ambiance qui est plus vivable pour moi.

En revanche, c’est vraiment dur d’écrire des paroles en français. J’ai fait quelques reprises, mais je pense que mes paroles sont un peu ridicules quand j'essaye d’écrire en français.


Je pense que la plupart des français qui chantent en anglais se posent moins de questions. En revanche, peu arrivent à faire une véritable carrière en Angleterre où aux USA, à part Phoenix ou Redcar.

Je ne sais pas si c'est dur à faire dans ce sens-là, mais en même temps j'ai l'idée que l’anglais est fait pour les chansons pop, de la même manière que le français est fait pour la chanson mais pas vraiment pour la pop. C'est possible, mais c'est plus difficile. Je pense que la personne qui arrive le mieux à maîtriser le français dans la pop, c’est Bertrand Belin. J’ai vraiment beaucoup de respect pour sa manière de faire des chansons un peu hybrides, un peu pop, un peu chansons française, mais qui sont étranges et dérangeantes.  Si j’arrivais à écrire en français, j’aimerai que ce soit comme lui.


C’est vrai qu’il fait sonner les mots avec un vrai sens dans ses chansons. Il est un peu l'héritier de Bashung et d’artistes à cheval entre plusieurs styles, et cela sonne assez pop. A Paris, tu fais partie d’une scène qui fait revivre une chanson country folk avec Baptiste W. Hamon et Lonny. Comment les as-tu rencontré ?

J’ai rencontré cette scène par Lonny qui est probablement la personne la plus ouverte et la plus généreuse que je connaisse dans la musique. C’est vraiment une personne qui crée du lien entre les gens. Quelqu’un au Motel lui avait fait écouter une chanson à moi et on s’est parlé via Instagram. J’ai rencontré mon groupe grâce à elle : Vincent à la batterie, Nierls à la basse… Et puis Roberto Cicogna aussi. Avant de la rencontrer, je ne savais pas qu’il ya avait une telle scène à Paris.


Roberto Cicogna était aussi dans cette veine folk avec son projet précédent. Il en reste des bribes dans son nouveau projet de chanson italienne. Finalement un peu comme dans ta musique.

C'est à la fois pour moi bizarre d'appeler ça de la musique folk, mais ça fait aussi sens parce que mes racines sont vraiment dans la folk. Ma musique est plus comme celle de Roberto. Parfois, les gens s’attendent que ça soit très doux et c'est sympa d'un peu briser cette vision du folk.

Il y a quelque chose qui est très intéressant aussi dans ta musique, c'est ta voix qui justement sort un peu des canons de ce qu'on peut imaginer d'une ou d'une chanteuse folk où country. On sent qu'il y a de la force dans ta voix, et en même temps quelque chose de très feutré. Comment tu as découvert ta voix ?

Bonne question. J'ai écouté un entretien l'autre jour avec Paul Simon qui disait que Bob Dylan avait une voix très ironique. Qu’il avait une façon de chanter assez ironique qui venait de son écriture, alors que Paul Simon décrivait sa propre voix comme plus « sincère ». Je pense que c'est très juste comme façon de décrire leur musique. Ça m'a fait réfléchir au fait que j'aimerais bien chanter un peu plus de manière ironique, mais c'est impossible pour moi. Je ne sais pas si c'est de la sincérité, mais je ne peux pas chanter autrement. Même si parfois j'aimerais bien. Du coup dans ce sens-là, ce n’est pas vraiment une chose que j'ai découverte, c'est juste la chose qui est sortie de moi. Mais c'est vrai qu'à l'école, on ne m'a pas laissé rejoindre le chorale parce que je chantais trop bas pour bien chanter dans les aigus qu’on attendait.

Comment intègres-tu ta voix dans ton processus de création? Est-ce que tu la considères comme un instrument ou plutôt comme un moyen d'exprimer ta musique et tes paroles?

Comme un instrument. Je n’ai pas vraiment étudié ma voix donc il y a beaucoup de choses que je fais qui ne sont pas bien, mais c'est un instrument qui pour moi est à l'échelle de tous les autres.


Dans ton disque et sur scène, ta voix est un élément fort. C’est pour ça que je te pose la question. Au-delà du fait que les arrangements de tes chansons soient également très réussis, c’est vraiment ton timbre qui ressort en premier. Est-ce que c'était un choix de réalisation artistique ? De mixage ?

Je pense que le mixage de la voix, c'est assez particulier. Je vois vraiment ce que tu veux dire, même si je l’ai pas considéré comme ça. C'est vraiment mixé comme un instrument et et j'aime bien ça. Il y avait quelqu'un qui avait dit en critiquant l'album, que je me retenais trop. Je comprends qu’on puisse ressentir cela. Je ne sais pas si c'est bien ou pas, mais au moins c'est intéressant.


Moi je trouve ça plutôt bien, mais après c'est par goût personnel. J’aime bien quand les choses sont un peu retenues et qu’il reste de la place. La première fois que j’ai entendu ton timbre, c’était à la maison de la poésie avec Baptiste W.Hamon, et je savais pas si tu étais anglaise ou allemande. Je m'étais dit que t'étais peut-être allemande parce qu’on pense un peu à Nico dans ton timbre de voix.

J'aime vraiment comment elle chante dans les chansons du Velvet. Il y a une sorte de décalage entre les intentions de la chanson et sa voix et c'est trop bien.


Quels sont les artistes que tu aimes ?

J'ai beaucoup écouté les Beatles. C’est un classique et puis là j'écoute beaucoup de pop un peu électronique comme Caroline Polacheck, et aussi beaucoup de choses très folk comme Ashley Collins, qui est une chanteuse de folk anglaise. J’aime aussi Jessica Prat, je sais pas si tu as entendu l'album, j'ai adoré ce disque. Je peux  aussi citer Elliott Smith.


Ton album est plutôt bien soutenu en radio, ce qui est très encourageant.

Je suis très privilégiée d'être dans cette position et en même temps, tu es toujours en train d'attendre le prochain truc. Je suis juste contente de le défendre parce que je crois vraiment dans l'album, je suis très contente du disque, j'adore la production. En fait, je pense que tout ce qui est dans l'album et qui n’est pas de moi, je trouve ça magnifique donc c'est très bien de ressentir ça. Avoir cela comme base ça rend le truc beaucoup plus facile et assez joyeux parce que tu veux juste partager tout ça.



Interview et photos : Nicolas Vidal

 
 
 

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