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Edouard Bielle, ex-fan des seventies

  • Photo du rédacteur: Faces Zine
    Faces Zine
  • il y a 4 jours
  • 8 min de lecture


Il y a désormais de jeunes artistes en France pour qui la variété est devenue une sorte de musique indé, un graal pop à atteindre. Comme s'il étaient nostalgiques d'une époque qu'ils n'ont pas connu, d'un âge d'or de la musique, qui n'existe plus. Ces artistes composent des refrains absolument pop, à l'opposé de la variété urbaine qui inonde le marché de la musique depuis quelques années.

Edouard Bielle est l'un de ses fervents représentants. Dégaine à la Lemon Twigs, voix haut perchée et popsongs irrésistibles, voilà le cocktail gagnant de ce crooner nouvelle vague, anachronique et séduisant qui après une poignées de chansons, un EP et un passage au FAIR, nous fait languir avec un album prévu pour la fin de l’année. Après avoir chanté avec Alexia Gredy et repris Axelle Red, Edouard Bielle répond aujourd’hui aux questions de Nicolas Vidal pour Faces Zine.


Comment définirais-tu ta musique ?

À chaque fois que l'on me pose la question, j'ai toujours un moment d'hésitation. J'ai commencé la musique, il y a seulement trois ans. Donc mon style évolue en permanence. Ma façon d'écrire des chansons change en fonction de l'expérience que j'acquière. Le style de musique que je fais est à définir sur les trois ans qui viennent de s'écouler. Sur l'album que je vais sortir à la fin de l'année, le style a beaucoup évolué par rapport à mon premier EP qui est de la chanson française, inspirée par la variété des années 70 et 80, avec des synthés. Mais moi ce vers quoi j'ai envie d'aller, c'est un style de chanson française un peu plus organique, à la Michel Berger, avec des instruments un peu moins synthétiques. J'ai aussi envie de prises live. Après, ça reste de la variété française, mais avec des influences un peu plus rock. Quand on me pose la question de mes cinq albums préférés, je me rends compte qu'il n'y avait aucun artiste de chansons française. En France, ce sont plutôt les artistes que j'aime, mais pas forcément tous leurs albums. Je trouve qu'ici, il y a moins le concept d'album pur et dur.


Je pense que ça existe dans la chanson ou la variété française, mais peut-être que ta génération les connaît moins. Serge Gainsbourg, dans les années 70, faisais des concept albums que l'on pouvait écouter du début à la fin, comme on lisait un livre.

Aujourd'hui, c'est vrai que les artistes sortent des chansons, des EP, mais moins d'albums comme ceux dont tu parles. Dans les années 70, des artistes comme Michel Polnareff ou Michel Berger, si on les connaît d’assez loin, on ne connaît que leurs tubes et on se rend compte qu’ils ont écrit énormément de chansons que l’on ne connaît pas et qui sont des chefs d’oeuvre. Mais c'est vrai que mes albums préférés, ce sont ceux des Rolling Stones, des Pink Floyd, des Beatles. Donc c'est vrai que sur mon album à venir, j'ai voulu retrouver un peu la manière de faire qu'ils avaient dans les années 60 et 70. Je pense que c'est une musique qui a plus de chance de perdurer, car elle sera moins connotée à une époque précise, en l'occurrence à notre époque actuelle. Quand on utilise des synthés, il y a de fortes chances que l'on se lasse des sons utilisés.


Cela fait quelques années que dans la pop française, les sons synthétiques sont légions. Est-ce que tu crois que l'on va revenir à une musique plus organique, à quelque chose d'un peu plus acoustique ?

J'ai l'impression que l'on va peut-être se limiter en tant qu'artiste à ce que l'on a envie de produire sur scène. Il peut y avoir une autre couleur sur les version enregistrées, mais moi, ce qui me parle aujourd'hui, c'est que mes chansons puissent être jouées en piano/voix ou en guitare/voix ou avec une orchestration plus ample. Je trouve qu'il vaut mieux travailler ses mélodies, quitte à ajouter des couches d'arrangements, plutôt que de partir sur la production et de trouver une mélodie qui fonctionne dessus. Quand on écoute des groupes comme Supertramp, c'est vrai que leurs arrangements ont plutôt bien vieilli. Ce sont des très bonnes chansons, et qu'elles aient été faites à la fin des années 70 ou aujourd'hui n'a que peu d'importance.


Comment as-tu transposé tes chansons en live du coup ?

Pour l'instant, on tourne à deux, parce que c'est plus pratique. Mais ma musique a pour vocation d'être jouée en groupe. Quand j'ai été sélectionné au FAIR, il y a eu un concert de fin de session et on a joué à quatre, et là, c'était très très cool. Je n'avais jamais joué dans cette configuration-là, mais j'ai adoré. Nous allons jouer au festival « Cabourg, mon amour » en juin, et ce sera en full Band, ce qui m'excite beaucoup. Quand on joue à deux, on joue avec des bandes, notamment les batteries, et ça n'est bien évidemment pas la même sensation.


Tu as évoqué Polnareff et Berger, et c'est vrai que spontanément, on pense énormément à eux en écoutant ta musique. Je rajouterai Christophe, mais plutôt pour le timbre de ta voix. Ces artistes là, en tout cas Polnareff, étaient influencés par la pop anglo-saxonne des années 60 et 70. Michel Berger, par exemple, était très influencé par Elton John avec qui il a d'ailleurs travaillé par la suite pour un duo avec France Gall.

À la base, les premières chansons que j'ai écrit ont été très influencées par Christophe et Polnareff. J'ai grandi avec cette chanson là. Mais les mélodies de John Lennon m’ont également beaucoup parlé, je les trouve somptueuses. Je trouve que l'idéal, c'est de continuer à importer ces mélodies pop au style anglo-saxon, avec des paroles en français.


Le format chanson/variété française est de retour dans la création musicale, mais exécuté par des artistes plutôt indépendants, loin d’être majoritaire dans les ventes de disques. La musique dite urbaine est devenue pour ainsi dire la nouvelle variété. Ce format est très à la marge même s’il y a toujours un public fervent qui soutient les grands artistes populaires de ces années là encore en activité comme Véronique Sanson.

Ce qui est marrant, c'est que moi je n'avais pas vraiment conscience d'être dans la marge. Et quand j'ai commencé à démarcher les labels et à faire écouter mes chansons, Fabrice, mon Attaché De Presse, parlait de ma musique, comme une musique de niche, qui ne parlait pas à tout le monde. Je n'avais pas du tout conscience de ça. J'avais l'impression au contraire, que mes chansons pouvaient parler au plus grand nombre. Sauf que Michel Berger aujourd'hui, ça parle à des gens comme moi qui aiment les mélodies et les formats pop. Mais tout le monde n'y est plus sensible.


Ta musique va peut-être parler à des gens plus âgés, qui ont connu et grandi avec ces chansons là.

Je pense que ça dépend de l'éducation musicale et des chansons que l'on a entendu enfant. Moi, mes parents écoutaient les Enfoirés, toute cette variété française. Donc j'avais en moi ces sons, même si je suis passé pas mal à côté de certains artistes variété des années 2010, parce que je suis resté aux artistes que mes parents écoutaient.


Tu as repris « Sensualité » d’Axelle Red, grand tube des années 90.

J'adore cette chanson. Mais c'est vrai que j'ai compris que ce que j'aimais, cette variété là, n'était plus quelque chose de grand public. En fait, ça rappelle des chansons mainstream, et après mes concerts, les gens sont souvent content d'avoir entendu de nouveau des chansons dans ce style. Et moi ça me fait plaisir. Dans la musique actuelle qui sort, il y a peu de choses qui me plaisent. Je trouve qu'on oublie souvent que la musique, c'est aussi une affaire d'instruments, et des gens qui en jouent.


En même temps, les deux chanteuses françaises les plus populaires, Juliette Armanet et Clara Luciani, sont quand même dans ce style variété pop comme on la connaît depuis les années 70.

Elles sont super fortes toutes les deux. Mais c'est vrai que quand je vois des concerts dans des salles assez prestigieuse ou le chanteur est juste accompagné d'un ordinateur, je trouve ça dommage. Ce n'est pas un jugement sur la qualité de leur travail, mais je trouve que ça manque d'ampleur.



C'est aussi souvent lié à une économie de la musique qui est difficile à maintenir. Avoir des musiciens sur scène, cela coûte toujours plus cher qu'un ordinateur.

Oui bien sûr, pour des premières parties, je comprends qu'on ne puisse pas payer trois musiciens. Mais quand on joue à la Cigale, cela vaut probablement le coup de payer quelques musiciens pour être accompagné sur scène. Mais bon, c'est aussi une question de direction artistique et de style musical. Mais moi, dans ce que je veux proposer, ce qui me touche, ce sont des groupes comme Pappooz qui sont de grands musiciens et dont le live est super intéressant. Je veux m'inscrire dans quelque chose où l'on sent que les musiciens ont bossé, qu'ils travaillent leurs mélodies. Une Véronique Sanson, elle savait jouer parfaitement du piano, écrire de super mélodies, et elle a été soutenue par les médias. Aujourd’hui tu peux être une star de la musique sans savoir jouer d’un instrument.


C’est aussi la démocratisation des moyens de production de la musique qui donne cette impression. L’avènement des DJ superstars, de la MAO…N’importe qui peut faire un album qui sonne bien dans sa chambre. Et puis il y a énormément c’artistes qui n’ont plus besoin du filtre d’un directeur artistique ou d’un journaliste pour faire carrière.

C’est vrai. Mais bien qu’il faille vivre avec son époque, je ne suis pas très à l’aise avec les réseaux sociaux, me mettre en avant. Mais justement puisque l’époque veut ça, autant faire la musique que j’aime réellement, et de la manière dont je veux la faire. Dès que je fais des concerts, j’ai l’impression que les gens aiment bien ce que je fais. Il faut toujours plus de visibilité pour pouvoir toucher le plus de personnes possible.


Médiatiquement en revanche, on existe toujours avec un premier album.

C’est le rapport au temps qui change quand on fait de la musique. Entre ce que l’on perçoit de son propre travail, ce que tes amis ou ta famille en dit, et ce qu’en pense le grand public, ce n’est pas la même chose. Les gens ont l’impression qu’on ne travaille que lorsque les chansons sortent et qu’il y a des articles. Mais il y a tout un temps de maturation qui est aussi un travail. Il faut apprendre à vivre avec ça et ne as être trop pressé ou sous pression.


Comment as-tu trouvé ta voix ?

Avant d’écrire des chansons, j’ai fait de la guitare et du piano, et quand je faisais des reprises, je voulais chanter comme Polnareff. J’arrivais à atteindre les notes hautes, donc j’ai travaillé dans ce ses là avec une prof de chant. C’est un muscle, donc plus tu t’entraînes à chanter comme ça, mieux c’est. C’était important pour moi d’avoir cette voix-là, haut perchée comme Elton John, les Beatles, Christophe.


Tu as une vraie signature vocale, une voix qu’on n’a plus l’habitude d’entendre aujourd’hui. Tu as un timbre particulier, qui envoie assez même en voix douce.

Je considère la voix comme un instrument à part entière. Après, je chante de manière assez instinctive. Quand on me demande parfois de chanter plus bas, je trouve ça moins bien. Je m’ennuie. J’aime bien envoyer un peu et éprouver physiquement la sensation de chanter.


Quand on écoute ta musique et qu’on regarde ton style vestimentaire, on a l’impression qu’il y a une forme de nostalgie d’une époque que tu n’as pas connu, en gros les années 70/80. Qu’est ce qui t’attire dans cette époque là ?

Je pense qu’il y a une part de fantasme parce que je n’ai pas vécu ces années-là. Je pense aussi qu’esthétiquement et dans la manière de s’habiller, les gens faisaient un peu plus attention à eux. Le style androgyne allait bien aux hommes, ça les mettait en valeur. Quand tu vois Mick Jagger, il était vraiment sexy. Et ça me fascine. Même un Sardou sur les plateaux de télé, il avait des talons et un pantalon qui tombait nickel. Je trouve que ça envoie. Dès mon adolescence j’ai attention à mes sapes. Au niveau global, j’ai l’impression qu’il y avait plus de joie de vivre à cette époque, même s’il y avait des guerres, l’Algérie, des conflits sociaux.. Mais j’ai l’impression qu’il y avait un espoir dans l’avenir, ce qui fait que la chanson et la manière de faire les choses était un peu plus naïve, légère. On le ressent dans les textes. Je trouve qu’aujourd’hui tout est beaucoup plus lourd, il faut avoir une identité et défendre une cause. C’est bien, mais si tout le monde défend quelque chose, au final on ne défend plus rien. Défendre une cause c’est bien quand il y a un vrai talent d’écriture derrière. Vouloir à tout prix parler de choses un peu lourdes, ça ne me parle pas trop. Je préfère l’insouciance de ces années -là.





Interview et photos : Nicolas Vidal

 
 
 

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