BABY VOLCANO EN ERUPTION
- Faces Zine

- 10 juil.
- 6 min de lecture

A l’intérieur de Baby Volcano, on dirait que ça boue, que ça frémit, que son mélange de reggaeton et d’Hyperpop est là pour nous dire que nos cases, elle s’en fout un peu. Qu’on peut être Suisse et Guatémaltèque, chanter en espagnol et parfois en français. Qu’on peut être une chanteuse et une danseuse en même temps. Qu’on n’a pas à choisir de policer ses effets pour entrer dans une norme délétère. Qu’on peut s’appeler Lorena mais que finalement, être un bébé volcan c’est encore mieux. Et faire de la scène du Fnac Festival à Paris qui s’est déroulé fin juin, un terrain de jeu qui n’en finit plus de grandir. Entretien de feu dans les salons policés de l’Hotel de Ville lors du Fnac Live Festival avec Baby Volcano.
Si tu devais te présenter à quelqu'un qui ne te connais pas, que lui dirais-tu ?
Je dirais que suis une artiste musicienne, performeuse, que je fais de la la musique latine expérimentale, et que j'adore faire des concerts, hyper généreux où je donne plein de surprises aux spectateurs. Et puis voilà.
Au départ, tu viens plutôt du monde de la danse. Qu'est-ce que la voix chantée t'apporte de plus que la danse, au niveau de l'expression ?
En fait je me suis surtout rendu compte que c'était un peu la même chose dans le sens où le mouvement c'est quand même énormément lié à la respiration, comme le chant. Donc je n’ai pas l'impression qu'il m'apporte quelque chose de plus, mais c'est une autre manière d'utiliser mon corps. C’est une autre manière de pouvoir exprimer des choses. Par contre, ce qui me fascine dans la musique, c'est que c'est un art qui est extrêmement populaire. Et ça, c'est quelque chose qui m'a énormément séduite quand j'ai commencé à faire de la musique, de pouvoir toucher des gens, de pouvoir toucher ma génération.
La musique latine est très populaire en ce moment. Tu chante majoritairement en espagnol, même s'il y a des parties en français. Comment as-tu choisi de faire un projet majoritairement en espagnol ?
Quand j'ai commencé à faire ce projet, ça faisait peut-être une année que j'étais rentrée de Buenos Aires où j'avais étudié en Argentine. J’étais encore dans ce moment où quand tu changes de langue, tu rêves dans la langue dans laquelle tu vis. J’ai commencé ce projet à ce moment-là, et l'espagnol était vraiment beaucoup plus présent que le français. Cela faisait sens, c'est sorti comme ça, je me suis pas vraiment posée de question, je me sentais beaucoup plus à l'aise à ce moment-là avec cette langue. Maintenant, ça fait 5 ans que je suis rentrée en Suisse. Je suis toujours basée là-bas mais je me rends compte que l'espagnol m'apport d'autres choses et d'autres manières de poser que le français. Mais ça ne veut pas dire qu'il n’y aura pas des morceaux complètement en français à un certain moment. Mais c'est assez organique.
Qu'est-ce que t'inspire le fait que l'espagnol soit devenue une langue pop ?
Moi j'ai quand même grandi avec la culture guatémaltèque et la culture d'Amérique latine en général. De la musique en espagnol, j'en ai toujours écouté ça a toujours été super présent pour moi.
Je pense que ça a peut-être apporté une certaine facilité pour moi de chanter en espagnol. En tout cas, je ne me suis pas posée de question ou de doutes de me dire « ah, je chante en espagnol et je lance le projet depuis la Suisse est-ce que ça pose problème ». Donc je pense que ça m’a plutôt apporté cette espèce de liberté de le faire sans me poser de questions.
Bad Bunny ou Rosalía ont fait voyager la musique latine et l’ont rendu très populaire. Même dans la musique indé, des groupes comme Buscabulla commencent à émerger en France.
Moi j'écoutais du ragga quand j'avais 15 ans, c'était pas du tout bien vu en Suisse. C’était une musique dont on se moquait en Europe. Pour les gens, ce n’était pas de la musique.
Dans ta musique, il y a des références reggaeton autant que des sons hyperpop. Tu as choisi de ne pas choisir entre les styles musicaux ?
Je crois que j'ai choisi de parler de la pluralité de ce que je suis, de ce que je ressens, et de comment je vois le Monde. Je pense que c'est ça que je choisis, plutôt que de choisir des genres musicaux. Je me sens à l'aise quand j'ai l'impression que je peux présenter plusieurs couches et plusieurs panels de ce que je fais. Là, c'est l'endroit où je me sens bien.
Et est-ce que c'est la même chose avec tes looks qui sont très différents à chaque vidéo ?
Oui, je crois que c'est un peu ce truc de mouvemenT. Si je me sens enfermée quelque part, je ne me sens pas hyper bien. J'ai plus l'impression de jouer un rôle si je garde quelque chose de très linéaire que si je peux partir dans tous les sens.
J'ai noté qu’il y a souvent des animaux dans tes clips.
Oui, je m'en suis rendu compte cette année. En fait, j'arrête pas de mettre des animaux partout. Je crois que je suis assez fascinée par les animaux totems. Je me suis toujours demandée quel était mon animal totem et il y a eu un moment au printemps de cette année, où dans notre jardin, il y avait des renards, des blaireaux, des souris… Et j’ai commencé à faire des rêves récurrents avec le renard. Donc je me demande si c'est mon animal totem. J'ai une espèce de fascination pour ce que les animaux sont en train d'essayer de dire autour de nous Et aussi de voir comment la nature change.
Y-vois-tu un parallèle avec une forme d’engagement féministe que tes chansons abordent ? Est-ce que la musique te sert d'exutoire politique ?
Pas de manière littérale en tout cas. Après, qu'on fasse quelque chose ou rien, de toute façon c'est politique.
C’est présent dans dans mon discours artistique, ça me paraît évident, je ne pourrais pas le faire autrement. Sans que ça devienne vraiment un porte- drapeau de quelque chose.
Il y a quelques années, les chanteuses qui avaient un discours féministe se heurtaient à des murs, puis c’est devenu un argument marketing dans chaque projet artistique, puis il y a de nouveau un retour de bâton.
Oui c'est possible. Maintenant, si on parle de féminisme, j'ai l'impression que tout le monde en a tellement marre que du coup, on ne peut plus en parler parce que les gens ont été lessivés avec ça. Alors qu'en fait, les choses n'ont pas vraiment changé. Et le marketing là-dedans ne nous a jamais aidé, à aucun moment. Quand j'ai lancé le projet, on m’a sorti des trucs hallucinants, genre « C’est l'année du féminisme, donc c'est normal que ton projet prenne ». C’est hyper réducteur. Il y a toujours cette impression qu’on va t'enlever ton discours, que d'une certaine manière, on va dévaloriser ce que tu fais, ce que tu dis, ou que tu es là parce que tu fais partie du quota femme d’un festival. On sait que ça existe.
Est-ce que la culture latine, dont le cliché de la femme de caractère est parfois présent, a pu te protéger d’une forme d’ostracisme justement ?
Complètement. Il y a quelque chose qui me porte beaucoup, qui m'a donné beaucoup de courage. Après c'est sûr que dans les contrastes que moi je peux trouver, en ayant grandi avec cette culture en Suisse, c'est aussi ça qui nous aide parce que dans les moments où c'est plus compliqué, on va aussi apprendre à faire ses armes. Je ne dirais pas que c'est uniquement lié à la culture latine américaine. Il n’y a pas que ça qui m'a donné ces clés là, mais c'est sûr qu'elle fait complètement partie de cette force et du courage que ça m'a donné ça c'est clair.
Tu produis toi-même ta musique. Est-ce que tu as besoin d’être dans une forme de solitude pour travailler et aller au bout de tes idées musicales ? Est-ce que tu aurais envie de collaborer avec d’autres producteurices dans le futur ?
J’avais besoin pour ce deuxième EP de prendre confiance en moi en tant que productrice. Il y a très peu de réalisatrices de musique. Je ne l'ai pas fait pour ça, mais on en croise peu. Et puis aussi je pense que j'arrivais à un stade où je n’arrivais plus trop à décrire ce que je voulais. Je ne trouvais plus les mots, ça devenait trop spécifique. Du coup il fallait que je le fasse moi. Je pense que j'ai aussi eu un ras-le-bol de certaines situations que j'ai pu vivre en sessions avec des producteurs.
Si tu devais citer un ou une artiste qui t'aurait inspiré, ce serait qui ?
Chavela Vargas, qui est une chanteuse mexicaine. Elle a ce truc quand elle chante, on a l'impression qu'il y a un peu tout son corps qui s’anime. Il y a quelque chose de très dramatique, de très intense dans sa manière de chanter. Puis elle m'a beaucoup accompagné adolescente. J'ai l'impression qu’elle m'a pas mal marqué dans sa manière d’utiliser la vulnérabilité, la rage en musique, en chanson, puis à quel point en fait c'est réparateur, pour moi et pour nous en général.

SUPERVIVENXIA, EP disponible.
Interview et photos : Nicolas Vidal



Commentaires