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Yvonne La Nuit, même le jour


La musique est une discipline pleine de mystère. De nuits bleutées et de voix éphémères. De timbres féminins ténébreux sur des mélodies romantiques. La voix d’Yvonne La Nuit a ceci de précieux : le don d’apaiser. Il nous a suffit de l’entendre dans un club plein de bruit et de fureur entre plusieurs artistes plutôt pop pour immédiatement se sentir bien. “Yvonne la Nuit, c’est lié à ma grand mère. C’était son prénom. Elle était très secrète, elle parlait peu d’elle. Et la nuit, c’est le moment du secret, du mystère, de l’interdit. J’ai voulu lui permettre d’exprimer des émotions, à travers moi et à travers ce nom. C’est le point commun que j’ai avec Violet Arnold, une artiste que j’aime beaucoup et qui a aussi pris le nom de sa grand mère comme pseudo.”


La musique d'Yvonne La nuit est sage. Au sens de la sagesse. On y entend des pianos, des cordes, de la poésie anglaise et l’écoute prolongée des femmes pianos aînées, de Kate Bush à Agnès Obel“ "Oui et non, car la musique que je fais me vient naturellement. Je ne pourrais pas faire autre chose. C’est celle-là qui me vient quand je compose. Agnès Obel est vraiment une référence pour moi, mais cela vient malgré moi.” On a entendu dans ce premier EP, “Bright Stars”, un hommage à Jane Campion et à Keats autant qu’un manifeste romantique, mais on a visiblement pris nos désirs (et nos références) pour une réalité tout autre :“ Mes textes ne sont pas référencés du tout. C’est ce qui sort. C’est souvent rattaché à un moment de vie, un sentiment profond qui ressort à ce moment. Mais je ne calcule pas. Ce que je fais, c’est purement de l'instinct. En tout cas pour le premier jet. L’intellectualisation vient plus tard, avec Rémi et Bastien avec qui j’arrange les chansons. J’ai des squelettes de morceaux et on fait un vrai travail d’arrangements. Et là, j’arrive à avoir un peu plus de recul.”


D’où nous vient alors ce sentiment de maîtrise musicale à l’écoute de ses chansons ? “ Mes parents étaient chanteurs et pianistes. Ils dirigeaient des chorales, plutôt dans la musique classique. Ma mère était chanteuse lyrique à l’Opéra de Bordeaux, et mon père dirigeait des chorales. Culturellement depuis plusieurs générations, la musique fait partie de ma famille. Mais sans que ce soit un truc de bourgeois.” En grattant un peu, on trouve aussi dans la famille d’Yvonne La Nuit, un frère musicien, connu sous le nom de Tim Glass, et une passion pour les chanteuses nineties qui ont forgé son identité vocale :“J’ai fait un peu de piano enfant, mais j’étais frustrée parce que tout le monde jouait déjà d’un instrument et moi je n’y arrivais pas. Du coup, je me suis mise à chanter parce que c’était plus simple. Je chantais Mariah Carey à fond dans ma chambre. Puis j’ai pris des cours au Lycée, et j’ai fait le Conservatoire à Paris, en chant lyrique. J’avais besoin de développer ma voix, découvrir les fondations. Et ça m’a fait beaucoup de bien. Ça me permet aujourd’hui de pouvoir chanter du classique et d'utiliser ma voix comme je l’entend.”

On entend effectivement dans Yvonne La Nuit l’influence du classique, mais un classique pop qui aurait digéré Philip Glass et Air, Mariah Carey et Tori Amos. Il y a d’ailleurs dans le parcours d’Yvonne La Nuit une belle collaboration avec Air et ses deux têtes pensantes : “J’ai eu un premier groupe à Bordeaux qui s’appelait April Shower. On était 5 copines. Ça marchait plutôt bien, mais on avait 18 ans, on ne s’en rendait pas trop compte. A la fin d’April Shower, j’ai eu la chance de travailler avec AIR, puis sur les projets solo de JB Dunckel et de Nicolas Godin. C’était génial car ils étaient d’accord tous les deux pour que je chante sur leurs titres. La rencontre s’est faite par Victorine qui m’avait entendu chanter lors des open mic au Pop In. C’est Kim aussi qui a traîné tout le monde à mes concerts. Air, je les écoutais quand j’étais au Lycée, donc j’étais très touchée et très honorée de vivre cette expérience. Et puis j’ai travaillé aussi avec Dionysos à cette époque là.”


De belles rencontres qui continuent d’irriguer les projets de la chanteuse puisqu'elle va également sortir à la rentrée un 45 tours sur le label de Mathias Malzieu : “Cela sortira chez Eggman Records. En 2012, j’ai écrit un conte que j’avais fait lire à Mathias Malzieu. Il avait beaucoup aimé. Ça m’avait donné énormément de confiance, car à l’époque j’écrivais à peine des chansons et ça m’a poussé à continuer. Je pensais faire un album, mais finalement je n’en ai gardé que 2. Ça devrait sortir à la rentrée.”

Finalement, est ce que sa plus belle rencontre musicale n'aurait pas t'elle eu lieu dans sa propre famille ? “ C’est génial de bosser avec mon frère. Il me comprend très vite, on a les mêmes références. C’est lui qui m’a fait découvrir plein de trucs en musique. Je me sens proche de sa sensibilité. Je dirais que la seule difficulté, c’est qu’il a lui aussi un projet musical, et je pense qu’on est ultra fiers dès qu’il se passe un truc pour l’un où l’autre, et un peu jaloux parfois. Mais on le gère plutôt bien. C’est quelque chose que j’ai souvent entendu dans les fratries d’artistes. Lio en a parlé récemment dans l’émission Sooo Pop dans son rapport à la notoriété d’Héléna Noguerra, sa soeur. Moi je suis la petite, j’ai toujours vu Rémi jouer du violon, il avait un violon dans les mains à 4 ans.”


Yvonne La Nuit a en tout cas trouvé sa place et forgé son univers à l’instinct, navigant entre le français et l’anglais, les vibes nineties et la rigueur classique, des mélodies profondes et vibrantes et un zeste de sucre pop. On aime beaucoup “Bright Stars” et ses chansons plus que touchantes. Laissez tomber votre smartphone, fermez les yeux, écoutez Yvonne La Nuit. Faites de beaux rêves.


SOUS INFLUENCES DIVINES

“ Bjork est ma plus grande influence. C’est un génie. Même si je n’aime pas tout, tout est bien. A la première écoute, souvent je n’aime pas, mais à la deuxième j’adore. Je suis allée la voir une fois sur scène, et bien que je n’ai pas un tempérament de fan, et je me suis dit “je vais voir Dieu”! Certains de ses albums m’ont accompagné pendant des voyages. C’est puissant, assumé, original intelligent et sensible.J’aime beaucoup certains albums de Goldfrapp, notamment “Felt Mountain”. L’album de Bat for Lashes “Two suns” également. Et “Citizen Glass” d’Agnes Obel que je trouve absolument magnifique. Je prends une claque à chaque album de Camille aussi. C’est de mieux en mieux à chaque album. J’aime beaucoup son écriture, ses chansons tristes et mélancoliques comme “Pâle Septembre”. Où “She was”. C'est très beau. Elle se permet des parties qui partent ailleurs, ce qui est assez rare en France. Elle s’émancipe du côté chanson.En cinéma, j’aime beaucoup la science fiction. Mais l’un des films qui m’a le plus marquée, c’est le “Dracula” de Coppola. J’aime les vampires, j’adore également le Jarmush, “Only lovers left alive”. Je suis très sensible à l'ambiance des films, comme “Tree of life” où “Drive”. Je suis sensible à la photo, à la musique. Même si les gens ne se parlent pas, ça me va.En peinture j’aime Yves Klein. Ce bleu et cet or, ça me parle. Je suis très fan de Murakami. “Kafka sur le rivage”, c’est magnifique. C’est le roi du scénario et du suspense, mais de manière très tenable. On est un peu comme dans un rêve dans ses livres. C’est barré et poétique, onirique. Sinon, j‘aime beaucoup les contes. “Femme qui court avec les loups” de Clarissa Pinkola Estès est très important pour moi. C’est un peu mon livre de chevet. Il est aussi profond et féministe que poétique.”

"Bright Stars", EP disponible (La Tebwa)

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