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Schérazade, pop exquise


Cela fait un moment que l’on entend parler de Schérazade, que l’on aperçoit et entend ses chansons métissées, comme une promesse lointaine. Mais à l’écoute de son “Asile Exquis”, on a été réellement conquis par ce mélange de sonorités sixties et cette voix ultra sensuelle, ces mélodies intemporelles sur des textes dans l’air du temps.“ Je voulais un album assez singulier, avec des références plutôt anglo-saxonnes, mais aussi une voix chaude. J’adore Sade et Billie Holiday par exemple. J’ai grandi avec ces voix, plutôt soul et jazz, mais également en écoutant les Kinks, les Beatles…Et puis j’ai une voix orientale, c’est aussi ça qui amène un peu de chaleur dans les chansons.”


Mais il n’y a pas que dans la voix que l’on sent de la chaleur. Schérazade réussit à amener de la sensualité dans ses chansons plutôt épurées, avec des angles rarement évoqués : “Je voulais quelque chose de chaud et de froid à travers les chansons qui évoquent l’histoire d’une jeune femme. Je me dis toujours une chanson, une histoire. Je peux évoquer un film, comme dans “I don't want to sleep alone tonight” inspirée de “Savage Eye” de Ben Maddow, Sidney Meyers et Joseph Strick qui raconte l’histoire d’une femme esseulée à travers sa voix.” Mais on pense aussi à “L’amour à plusieurs”, chanson de 72 de Anne Sorel exhumée par hasard : “ C’est une chanson où on sent l’influence du Vannier de Melody Nelson. J’ai découvert cette chanson sur un site qui s’appelle Bide & Musique, ce qui est très étrange. C’est une chanson sortie en 72 qui n’a pas beaucoup marché à l’époque, alors que c’est super beau, très provocant, mais aussi une très belle chanson d’amour, très actuelle.”


Car c’est cela la force des chansons de Schérazade, parler de nous, de notre époque, mais dans une sorte de mystère feutré qui les rend intemporelles. “C’est important pour moi de parler de l’époque dans laquelle on vit, même si je vais piocher des références musicales dans les sixties. Mais je veux des textes très actuels. C’est très marqué dans “Princesse Populaire”". Cette chanson qui parle de la superficialité des réseaux sociaux et de son mode narcissique pourrait aussi faire écho à une certaine jeunesse qui veut se sortir de sa condition, en passant par le filtre d’une vie rêvée. Est-ce que cette princesse populaire aurait pu avoir les traits de la chanteuse ?“ Ça aurait pu être moi effectivement. Je parle toujours de moi d‘une certaine manière dans les chansons, même si c’est une projection. Même dans la chanson “Asile exquis” qui est un hommage à Gene Tierney, il y a une part de moi.”


Le glamour, les sixties, une sorte d’eldorado rêvé pour la chanteuse qui se cogne aux clichés que l’on pourrait lui coller, ses origines et le supposé manque de liberté associé aux femmes arabes. : “J’ai été une femme libre. Mais j’ai côtoyé des femmes complètement prisonnières de leurs familles. J’ai eu de la chance d’avoir des parents ouverts, ma mère était musicienne, on a eu cette liberté. Je ne me suis pas battue pour partir, bien au contraire. mes parents m’ont toujours soutenue jusqu’à présent. Je voulais aussi partager cette parole et parler pour la liberté des autres, et les inspirer pourquoi pas. C’est vrai que je me suis lâchée en reprenant “L’amour à plusieurs”. Mais on s’amuse aussi. J’ai trouvé que c’était très moderne et un peu second degré. Je ne me prend pas beaucoup au sérieux non plus. Ça reste de la pop.”

Tout ceci vole en éclat à l’écoute d’”Asile Exquis”, sorte d’autoportrait très juste qui à travers ses compositions, mais aussi les reprises qu’il contient (“L’amour à plusieurs” donc, mais aussi une chanson de Zouzou, icône yéyé branchée, et un standard en arabe) dessinent un kaléidoscope pop, très personnel et incroyablement porteur. “Je voulais une chanson en arabe sur l’album. Je suis d’origine algérienne mais j’adore les chansons égyptiennes dans lesquelles il y a un côté plus cinématographique. Quand j’ai écouté “Ahwak”, que je connaissais car ma mère, très jeune, m’avait fait écouter les comédies musicales égyptiennes qui étaient incroyables, très orchestrées. En réécoutant cette chanson, j’ai eu envie de la chanter, même si ce n’est pas le choix le plus original car beaucoup de gens l’ont reprises. mais c’est une chanson que j’aime.”


Schérazade aime également le glamour, qui se ressent dans les photos, les clips. Est-ce que le cinéma est également une source d’inspiration pour la chanteuse ? “Ah oui beaucoup. J’ai beaucoup regardé de films des années 60 pendant la période où je préparais l’album. J’ai emmagasiné beaucoup d’images qui se retrouvent dans les textes de mes chansons. Ou dans les visuels, comme sur la pochette qui est inspirée des polaroïds de Diana Ross par Andy Warhol. La mode, la posture des stars hollywoodiennes, ça m’a tout de suite accroché. J’ai grandi avec ça.”

Fille du Sud, la chanteuse a cependant assez vite voulu rejoindre la capitale et ses tourbillons musicaux, en suivant le chemin balisé des apprenties chanteuses avec piano-bars et rencontres artistiques : “ Je suis originaire du sud de la France, mais j’y retourne très rarement. Je suis arrivé à Paris à 18 ans, et très vite j’ai côtoyé des musiciens, dont Léon qui est un peu le musicien de l’ombre avec qui j’ai travaillé sur “Asile exquis”, avec qui j’ai fait les maquettes de l’album. Mais j’ai commencé à composer des chansons assez jeune. Il y avait un piano chez moi. C’était très naturel pour moi. Au départ, je n’avais pas du tout l’idée de signer sur un label. Je n’ai jamais envoyé de maquettes. Mais Romain Bilharz qui travaillait à l’époque chez Mercury (Universal) a entendu mes chansons et m’a contacté. J’ai donc signé chez eux, et ils ont mis le paquet sur l’album qui au final a coûté assez cher. Mais un seul titre est sorti chez Mercury. J’ai eu envie de les quitter, et ça a été assez long. Mon DA était parti, il y avait beaucoup de changements. Ce n’est pas leur faute, c’est juste que le contexte est très différent et que tout change très vite. J’ai donc créé mon label pour pouvoir le sauver et le sortir aujourd’hui avec 29 Music et Kuroneko.”


La chance de Schérazade est d'avoir trouvé le producteur idéal pour mettre en valeur les envies pop de la chanteuse dans un écrin simple et sophistiqué, soul et légèrement oriental. “L’ album a été enregistré au studio Ferber avec Renaud Letang et Mocke (Alain Souchon, Micky Green, Feist…). Avec Renaud, on s’est rencontré plusieurs fois avant de décider de travailler ensemble. Je lui ai parlé de mes références qui ne sont pas forcément évidentes. Joe Meek (arrangeur anglais des sixties) par exemple, peu de gens connaissent son travail qui est très important pour moi. Il le connaissait car Connan Mockasin avec qui il travaillait à ce moment là, lui en avait parlé.”


Schérazade a en tout cas fait un album absolument irrésistible, l’antidote parfait à la sinistrose ambiante, qui contient autant de légèreté et de mystère qu’un conte hollywoodien...


"Asile Exquis", Album disponible







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