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Alma Forrer, jeune femme intime.


Le mystère d’un coup de foudre musical est toujours difficile à expliquer. Est-ce la chanson ? La voix ? Le texte ? La mélodie ? Probablement un peu de tout ça, mais il y a surtout l’attrait de la nouveauté saupoudrée d’un quelque chose relié à ce que l’on a aimé avant. Dans le cas d’Alma Forrer, dont le premier album “L’année du loup” vient de sortir, c’est sa voix, sa manière de chanter dans un souffle aérien avec un timbre ingénu et direct qui nous a plu. C’était la chanson “Conquistadors”, et nous avons été conquis sans réserve. Il y avait un peu d’Adjani, une légère provocation dans le ton, et une douce liberté sensuelle qui nous parle. “ Le côté charnel de mes chansons, je ne sais pas faire autrement. Pour moi, écrire et chanter des chansons, c’est charnel. En ce moment, il y a tout un truc autour du désir de la femme, de la victimisation des femmes dans la société avec #metoo, qui est par ailleurs un courant que je soutiens bien évidemment. Il y a eu une expression dans un article qui disait : “Les chanteuses de pop : le courant post Metoo”. J’en parlais avec ma pote Mathilde Fernandez. On était choquées. Comme si nos désirs étaient forcément une réaction à un état de victime. On ne se révèle pas grâce à ça. Quand les mecs parlent de leurs désirs, ça ne fait pas 3 lignes dans un article. On fait des chansons pour parler de notre intimité. Parfois ça peut être dérangeant. Et là j’y vais à fond.”



En parlant d’intimité, il est parfois difficile de maintenir dans une chanson pop un sentiment de proximité sans être impudique, chose qu’Alma Forrer réussit haut la main sur des titres comme “La raison de mon retard” où “Relève-toi” : “ J’ai essayé de parler de choses qui m’ont traversées sans être ridicule, de parler de mes désirs sans être écœurante, de tristesse sans être victime. Ça m’a aussi permis de reprendre confiance en moi, de devenir un vrai loup. J’ai grandi quoi. Sur mon premier EP il n’y avait que des ballades victimaires. Et acquérir une certaine légèreté, c’était important pour moi.”


Ce premier album d’Alma Forrer est un parfait mélange de pop et de folk, de chansons intimes et touchantes, mais avec un état d’esprit frondeur, un regard revanchard mais sans amertume assez troublant :“ Pour moi “L’année du loup”, c’est l’année qui m’a construite après une rupture. Ça m’a permis de reprendre possession de mes désirs, de reprendre confiance dans l’attirance que je pouvais ressentir. Je suis incapable d’écrire une chanson joyeuse. Mais il y a aussi des choses dans la vie qui sont légères, dans une profondeur moins sombre, ce que j’essaie de retranscrire dans “Conquistadors” ou “L’année du loup”.” Musicalement, l’album oscille entre une pop très actuelle, et des chansons réellement épurées mais qui n’empêchent pas une production fouillée et un parti pris sonore plutôt bien senti. “ C’est vrai que les singles ont été un peu “électronifiés”, mais les versions que j’ai enregistré étaient plus acoustiques, plus organiques. Ce sont les exigences des radios qui font que l’on doive faire quelques concessions.”


On n’imagine très bien ce que Ben Christophers, musicien british et producteur de l’album, a pu aimer dans les chansons d’Alma. Cette intimité folk anglo-saxonne alliée à une fronde toute french pop. “ C’est quelqu’un de très sensible, à l’écoute, très doux. Je suis resté un mois et demi en Angleterre pour faire le disque. Mais la proximité avec l’Angleterre s’est faite comme ça. “Song d’une nuit d’été” a été écrite avant. Chez Ben au nord de Londres, il y a des forêts partout, c’était comme une retraite. J’ai été dans une grande solitude pour faire ce disque, et ça a beaucoup bercé l’album. J’habitais près d’une forêt/cimetière incroyable, et je me baladais là-bas avec mon chien, Lily, et c’était beau.” La rencontre avec le producteur s’est faite de manière classique, mais aurait pu tout aussi bien tourner au fiasco sans l’étincelle musicale qui fait tout le sel des rencontres artistiques : “ J’ai rencontré le chanteur Nakhane qui avait fait un disque avec Ben Christophers. Bien qu’on fasse une musique très différente, il écrit lui aussi des choses très intimes, sensuelles, voire sexuelles. Et mon éditrice m’a conseillé d’écouter ce que Ben Christophers avait produit pour lui et les chansons de Françoise Hardy, mais aussi sa collaboration avec Bat For Lashes. J’adore leur dernier disque qui est un vrai concept album, avec des images très belles. Mais je n’avais pas d’idées arrêtées sur un producteur en particulier, je voulais juste quelqu’un qui soit de mon côté. Et on s’est rencontré à Londres. J’avais imaginé un test pour savoir si c’était la bonne personne. J’avais enregistré la maquette de “Relève-toi”, une chanson que j’adorais, qui n’avait presque pas de refrain, et que mon label n’aimait pas du tout. Et je me suis dit que s’il aimait cette chanson, ça voulait dire que c'était la bonne personne. Et sa préférée, celle dont il m’a parlé en premier, c'était celle là.”

Comprendre, être compris, musicalement et artistiquement, c’est aussi le pari d’une scène pop folk française (Baptiste W. Hamon, Lonny, Yules, Orouni…) qui se revendique autant de Townes Van Zant que de Marie Laforêt et dans laquelle Alma Forrer est une June Carter version French pop : “ Parfois je me dit qu’on est surement un peu démodé. Sur ce disque là, je n’ai pas voulu me limiter à un son trop folk old school. Quand j’écoute mes premières chansons j’ai l’impression d’imiter Barbara ou de me prendre pour Marie Laforêt. C’est aussi parce que j’ai fait mes premières chansons avec Baptiste W.Hamon, qu’on était dans quelque chose de très romantique, qu’on écoutait beaucoup de vieilles chansons qui nous inspiraient beaucoup. J’ai essayé de sortir un peu de ce fantasme de guitare en bois. J’ai aussi beaucoup tourné comme ça, et j’avais envie pour ce disque de sons différents. J’avais envie de me trouver moi. Mais dans ce contexte folk, on est tous très proches, et quand on joue, le plus simple est de prendre une guitare et d’aller chanter dans un bar. C’est l’essence de tout.”


L’essence de tout, c’est aussi d’écrire de bonnes chansons, ou d’en choisir de belles, ce qu’Alma Forrer a fait sur ce disque en allant piocher des pépites mélodiques chez La Grande Sophie, Jo Wedin & Jean Felzine ou Renan Luce. Alma Forrer porte en elle quelque chose de solitaire, une sorte de mélancolie joyeuse que l’on ressent surtout quand on la voit sur scène où les choses qu’elle raconte entre les chansons montrent aussi une fantaisie extrêmement séduisante : “ Je crois que je suis assez solitaire. J’adore être sur scène avec des musiciens, mais il y a un truc plus proche avec le public quand je suis seule. Je me sens mieux, j’assume tout.”


Seule où accompagnée, Alma Forrer vient de signer l’un des plus beaux albums de l’année, d’une profondeur exquise. Un bel album hivernal saupoudré de mélodies pop aguicheuses et de cordes sensibles. On sait ce qui nous a finalement plu à la première écoute de ses chansons : la vieille âme d’une jeune fille intime.


SOUS INFLUENCES DIVINES

“ J’écoute beaucoup de folkeuses contemporaines, et j’ai voulu me rapprocher de ce j’écoute, sortir du folk seventies old school pour mon album. J’écoute Marissa Nadler, Angel Olsen, Bat For Lashes où Mazzy Star. Ce sont des influences très fortes. Angel Olsen fait des albums très différents et j’adore cette diversité.

J’ai fait un master d’histoire de l’art en photo, et au moment où j’écrivais l’album je suis partie en Suède pour faire mon mémoire sur Sune Jonsson. J’étais dans un état très triste, dans cet endroit tout au nord de la Suède où il y avait ses archives. Il a pris en photo les gens de son village, et ses photos m’ont époustouflées. J’aurais adoré que ce soit la pochette de mon album.

Il y a un livre sur lequel je reviens souvent quand je veux écrire, c’est un livre de nouvelles de Camus sur l’Algérie, le soleil. A Londres, j’ai écrit la dernière chanson de l’album, “Je suis”, et je lisais ce livre. La dernière phrase de l’album, c’est inspiré de la sensualité du soleil dont il parle très bien.

Un de mes films préféré au monde, c’est “Persona” de Bergman. C’est à la fois froid et très intime.”

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