Fontaine Wallace dans les eaux pop
En 1998, lorsque Nicolas Falez chantait le titre “25 ans” avec Superflu, pensait-il que 20 ans plus tard, il serait toujours à la tête d’un groupe de rock? Celui ci s’appelle dorénavant Fontaine Wallace, et leur premier album vient juste de fêter sa première année. Avec des chansons fleurant bon la pop sophistiquée et le rock intimiste, le quatuor parisien (Nicolas Falez, Cécile Beguery, Fabrice De Battista et Ludovic Morillon) prépare son deuxième disque tout en commençant à partager sa musique sur scène. Interview entre 2 albums et premier bilan de "Quarantaine".
Comment est né le projet Fontaine Wallace?
Fabrice : Le groupe est à l’initiative de Nicolas à l’origine.
Nicolas : On a tous eu des groupes avant. Moi j’étais dans Superflu et Ludovic dans Luke. On s’est rencontré car on était sur le même label, Le village vert. Mais on avait jamais joué ensemble. Après Superflu, j’ai voulu démarrer un nouveau projet, et j’ai rencontré Fabrice et Cécile dans un premier temps. Et Ludovic est arrivé en 2014. Très vite, on a voulu travailler sur un disque. La scène était très secondaire. D’habitude c’est plutôt l’inverse.
On sent pourtant une homogénéité dans les chansons alors que vous n’avez pas forcément fait de scène au départ ?
Fabrice : Nicolas est arrivé avec des ébauches de chansons, et l’idée était de ne pas se brider. On est parti sur un rythme de travail lent. C’est devenu homogène au moment où on est rentré en studio. La plupart des choses se sont mises en place à ce moment là. On a tenté plusieurs idées qui ne sont pas forcément sur l’album d’ailleurs.
On entend les mêmes instruments sur chaque chanson, c’est peut être aussi ça qui donne l’homogénéité ?
Cécile : C’est comme ça qu’on a travaillé puisque le pitch de départ de Nicolas était que l’on travaille les arrangements en live pour avoir un son identique sur scène et sur disque. Ensuite, on a rajouté des choses à l’enregistrement, mais que finalement on a gardé sur scène également.
Nicolas, avais-tu une idée précise de ce que tu voulais faire musicalement? Est ce que l’idée était de s’éloigner musicalement de Superflu ?
Nicolas : Je voulais que ce soit un groupe plutôt qu’un collectif, avec un vrai son de groupe. Ensuite, je reste attaché au français, je veux qu’on entende les textes, et au travail vocal puisqu’on chante tous les 4. On a fait un gros travail sur les voix.
Est-ce que tout le monde écrit et compose dans le groupe ?
Nicolas : Sur ce premier album, je suis l’unique auteur mais on co-signe les musiques. Sur le deuxième, il y aura un texte de Ludo. Mais j’aimerais qu’on partage un peu plus.
Fabrice : Sur ce premier album, la majorité des chansons était déjà prête quand on a commencé à travailler. Mais la seconde vague de chansons a été inspirée à Nicolas quand on commencé à travailler ensemble.
Ludovic : Moi je suis arrivé après. Donc je n’avais pas d’idées préconçues. J’ai aimé ce que j’ai écouté et voilà. Après, j’ai voulu changer des choses et c’était le cas des autres aussi.
Nicolas : On essaie de tenir compte du dispositif de départ, mais sans se censurer. On a cette idée de chercher des textures, des imbrications de sons. C’est peut être là qu’on creuse un sillon à nous.
Ludovic : On aime la production musicale. Quand on arrive en studio, on arrive avec des maquettes assez produites.
Vous allez continuer dans cette veine là avec le deuxième album ?
Nicolas : Oui, car on commence à voir ou est notre périmètre. C’est plus facile quand on le connait pour faire des pas de côté.
Fabrice : On aborde le deuxième en ayant notre vocabulaire, en étant plus solide, sans s’interdire des petites prises de risques.
Allez-vous faire un peu plus de scène ?
Ludovic : Encore faut-il qu’il y ait des concerts. Aujourd’hui c’est plus difficile. On est 4, il faut des moyens qu’on n’a plus aujourd'hui. Les gens sont en duo ou en solo sur scène aujourd’hui. Mais on aimerait bien en faire plus.
Est ce que finalement votre pop n’est pas trop rock aujourd’hui que la pop est électro ?
Nicolas : C’est assez juste c’est vrai. On sera toujours trop chanson pour le rock indé et trop rock pour ceux qui aiment la chanson. Mais ce qui est positif, c’est qu’on a quelque chose qui nous appartient. Mais les deux sont mon terreau créatif.
Ludovic: les nouvelles technologies ont individualisé les musiciens. Il y a beaucoup moins de groupes. Dans la nouvelle chanson française, il n’y a plus de groupes. Ils sont seuls avec des producteurs. Alors que le rock, c’est un truc de groupe. Les Stones, ils sont toujours là, et en groupe. Feu Chatterton aussi, ils jouent toujours à 5.
Fabrice : C’est vrai que finalement, on est un groupe à l’ancienne.
Les textes de l’album sont plutôt des hymnes intimes.
Nicolas : L’exploration de l’intime permet de communiquer avec l’autre. C’est ce qui me séduit en tant qu’auditeur, et c’est ce que j’essaie de travailler. Mais après 3 albums avec Superflu, 2 avec Fontaine Wallace, j’essaie de ne pas me répéter. Par exemple, sur l’album, il y a la chanson “petite ville” qui parle de l’endroit d'où je viens, et je ne ferai plus de chansons sur ce thème. On peut creuser un sillon, mais j’aime bien l’idée que chaque chanson ait un aspect nouveau. Ça me stimule beaucoup.
Fabrice : je ne crois pas qu’il faille opposer intime et universel. Les textes de Nicolas ont une dimension personnelle, mais avec une vue sur la société en général. On n’a aucun mal à s'identifier à l’univers de Nicolas. Même si on a un chant choral dans les chansons, ça ne me gêne pas de chanter ce que Nicolas écrit.
Nicolas : Je crois aussi qu’on a une affirmation plus forte aujourd’hui à 45 ans d’être dans un groupe de rock. Et je crois que le groupe de rock est une utopie et un mythe moderne. Créer un collectif, dans lequel ses membres élaborent les règles et tentent de s’épanouir individuellement et collectivement dans un projet artistique. Cette rencontre entre l’aspect artistique et l’aspect humain et le fait qu’il y ait du “nous” et du “on” dans plusieurs chansons est quelque chose que je revendique.
SOUS INFLUENCES DIVINES
“ “Boxer” de The National avec l’utilisation du piano dans un format rock, pourrait être un groupe qui nous a influencé. Nick Cave, bien qu’on entende peu son influence dans notre musique pourrait aussi être une influence. Dans cette démarche un peu irrationnelle de vouloir faire un groupe à nos âges avancés, on se définit moins par les albums qu’on a écouté. Mais pour Ludovic, ce serait Grizzly Bear, Brian Jonestown Massacre, The Cure et Dalec. Pour Nicolas, ce serait ARLT et Brome, 2 français plus confidentiels. Pour Fabrice, ce serait Divine Comedy, Arcade Fire et Bashung.
Il y a une influence visuelle qui seraient les déambulations urbaines. Sinon dans les cinéastes, Arnaud Desplechin et Christophe Honoré, dans leur exploration de l’intime avec un souffle romanesque sont très intéressants. Intime ne veut pas dire nombriliste.”
Fontaine Wallace, premier album disponible
En concert le 13 juin au Studio de l'Ermitage - Paris (75) et le 20 juin à Antre-Deux - Lille (59)