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Jean-Emmanuel Deluxe ou la pop dans le sang


Jean-Emmanuel Deluxe est journaliste, auteur de livres sur la pop et de chansons pop. C’est aussi un homme de bandes. On pourrait d’ailleurs rapidement l’associer à la bande des aficionados des sixties tant son travail d’auteur et de musicien prend sa source dans cette période là. Mais ce ne serait pas tout à fait juste. “ C’est vrai que sur l’album, il y a un mélange de pop sixties, de musique psyché et des instruments électroniques. Mais c’est un processus naturel.”

Mais il y a aussi sa bande, celle qu’il réunit sur ses disques ou dans ses livres (la bande du label Tricatel par exemple). Où celle de son dernier album “Rouen Dreams”. Les fameux “& Friends” collés à son nom sur la pochette. “ C’est vrai que j’ai continué avec la même bande : Alexander Faem, Bertrand Burgalat, Helena Noguerra, April March. D’autres nous ont rejoint comme Kevin Coral qui vient de Kent dans l’Ohio qui est une région américaine assez électrique où il y a plein d’artistes. Il a m’a beaucoup aidé à structurer le disque. Et puis il y a aussi Sean O’Hagan des High Llamas, Misawa au Japon. Ce n’est pas du calcul, ces gens là sont venus par amitié et affinité artistique.”

Les affinités artistiques de Jean-Emmanuel Deluxe sont un point essentiel à son travail. Pour son travail d’auteur, il s’appuie sur ses connaissances encyclopédiques en matière de pop : “ A chaque fois, ce sont des sujets que je maîtrise et que je propose à mes éditeurs. Que ce soient le livre sur les Beach Boys, “les ovnis de la pop”, le label Tricatel ou “les filles de la pop”. J’essaie d’avoir des sujets ou j’ai un point de vue. Je ne recherche pas l’exhaustivité. Sur les filles de la pop, il y aura forcément des gens qui penseront que j’en ai oublié. Mais ce sont des choix subjectifs.” Mais cette subjectivité obsessionnelle n’est pas un frein à son savoir pop, bien au contraire. Mais pourquoi les sixties ? “ La culture pop a un peu perdu de son essence. La pop n’est plus populaire. Mais les années 60 ont toujours un côté moderne. A l’image des Beatles qui ont commencé par la pop mais qui ont fait infuser dans leur musique beaucoup d’autres influences. C’est ce que j’essaie de faire modestement dans mes livres et dans ma musique. Dans les “Filles de la pop”, j’aborde en creux la question de la condition féminine, les 30 glorieuses, l’influence des anglo-saxons sur la France…”

Ce dernier livre met en avant ces filles des années 60 qui continuent à inspirer les chanteuses pop d’aujourd’hui, dans leurs looks mais aussi dans leurs références (Marie Laforêt, Françoise Hardy, France Gall...) “ On a longtemps pensé que les chanteuse des années 60 n'intéressaient que le public de Radio Nostalgie, alors que plein de labels américains ou japonais très branchés font des compilations super pointues de certaines pépites oubliées. Et puis je voulais faire le lien avec des chanteuses eighties comme Lio, et toutes filles qui sont arrivées ensuite.”

En revanche, c’est plutôt le cinéma qui inspire Jean-Emmanuel Deluxe pour ses concepts albums psyché pop. Pour son deuxième disque, après le premier “Tribute to Delon/Melville” sorti en 2002, c’est encore le sillon du 7ème art qu’il creuse, en prenant cette fois appui sur un Hollywood fantasmé, une sorte de manifeste écrit par un Kenneth Anger provincial. “ Le nom de l’album c’est “Rouen Dreams”. Je voulais parler de l’illusion, de mon Hollywood fantasmé, avec un certain recul critique sur le fantasme que les gens peuvent avoir. Et puis aussi l’aspect mystique et spirituel avec le visuel de Bart Johnson qui a bien compris ce côté là du projet, branché sur l’inconscient. Il est un architecte majeur du disque.” L’artiste signe en effet la magnifique pochette de l’album, véritable oeuvre d’art.

Les histoires sur pellicules comme rempart à un quotidien un peu morne ? “ Je voulais garder un lien avec le cinéma. On est dans une époque où l’image a une importance folle, le narcissisme s’est développé, on met en scène sa vie... Mais on perd un peu le fil de l’être. Et j’essaie un peu de démystifier tout ça dans mon travail. De faire le constat de l’époque.”

Est ce que Jean-Emmanuel Deluxe ne se sent d’ailleurs pas un peu comme un réalisateur qui agrège autour de lui les talents dont il a besoin : “ C’est vrai que j’ai peut être cette idée du réalisateur qui fédère autour de lui pour créer une œuvre. Il y a d’ailleurs un projet de série pour lequel je suis scénariste. Donc cela infuse probablement la musique.”

En revanche, Jean-Emmanuel a pris son temps pour sortir ce deuxième album, 15 ans après le premier. “ J’ai été pris par d’autres choses. J’écris les textes, les mélodies, mais ensuite je travaille avec des musiciens. Tout a pris du temps, l’enregistrement, la recherche d’un label… Ça peut prendre du temps de faire un album. C’est le syndrôme Polnareff… Mais j’ai trouvé tous les partenaires qui s'occupent de la sortie un peu partout dans le monde."

Le son de l’album, très référencé et absolument unique pourra dérouter certains auditeurs trop sensibles à une perfection sonore. L’album est tout sauf attendu : “ La pop psychédélique, un peu bricolée, m’inspire beaucoup. Voire des choses plus expérimentales. J’aime le côté artisanal de la pop. D’ailleurs on me dit souvent que mon disque est particulier. C’est vrai qu’il n’est pas produit de manière standardisée. Moi, j’aime avoir des surprises quand j’écoute un disque. Je n’ai pas envie de faire une formule.” Peut être l’héritage de son parcours artistique influencée par la Perfide Albion : “ J’ai fait les Beaux arts de Rouen, et à l’époque, ce qui me dérangeait, c’est qu’il y avait un rejet de tout ce qui était pop. Ils étaient très dans le conceptuel. Et j’ai fait ma dernière année en Angleterre à Sheffield, et là je me suis plus retrouvé dans cette mentalité où tout le monde travaillait et avait des projets parallèles. C’était l’époque de Warp Records, Pulp était encore là, Designer Republic... Tous ces gens montaient des projets grâce à l’assurance chômage.”


Il y a en tout cas dans cet album une luxuriance, une inventivité, qui ne pouvait qu’être l’oeuvre d’un fétichiste absolu de la pop. “Rouen Dreams” est un ovni qui se donne les ambitions d’aller au bout de ses idées, sans perdre de sa spontanéité.



SOUS INFLUENCES DIVINES

" Je pense que l’artiste qui m’a le plus influencé, c’est Kubrick. Il a une vision, une réflexion dans tout ce qu’il fait. C’est un des plus grands cinéastes. Je ne crois pas qu’il pourrait y en avoir un nouveau. Ses films sortaient tous les 10 ans et deviennent cultes des années après. Et puis c’est une oeuvre monde dans laquelle on peut titrer le fil et avoir une réflexion. “2001” est mon film culte.“Smile” des Beach Boys que j’ai découvert par bribes à travers un livre Dominique Prieuré au début des 90. Et j’ai remonté le fil de cette réhabilitation jusqu’à la sortie. Et puis il y a ce côté poétique de l’album qui sort 40 ans après, et dont on n’est pas sûr que ce soit la version initiale voulue par Brian Wilson. Je suis fasciné par les projets qui ne sont pas sortis comme le “napoléon” de Kubrick, le “Harry Dickson” d’Alain Resnais. Sinon j’aime beaucoup l’album “Pipers & the gate of dawn” de Syd Barrett et les Pink Floyds. ET “Samouraï de Christophe. On voit ce qui va arriver chez Bashung et dans la pop française qui est arrivée après.Dans les auteurs, j’aime beaucoup Philip K Dick. Et aussi Tchekhov. Et Flaubert, “Salammbô”, “Madame Bovary. Sa vision de la bourgeoisie de Rouen a fait qu’il a été enterré sans grande pompe alors que des choses qu’il a vu dans la mentalité bourgeoise perdure aujourd’hui. Dans les actrices, mon crush c’est l’actrice anglaise Rita Tushingham. Et Raquel Welch peut être très drôle dans certains films. Et j’adore les acteurs British des sixties, Peter O’Toole, David Niven. Dans les acteurs actuels, je citerais Philip Seymour Hoffman et Tilda Swinton.

Jean-Emmanuel Deluxe : "Tricatel Universalis" et "Les filles de la pop" chez Maison Cocorico.

"Beach Boys : un été sans fin" chez Atlantica Editions.

Album "Rouen Dreams" disponible.










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