De La Romance, rêves électroniques
« Spontanément, je fais des choses qui pourraient être un peu romantique. Et puis c’est un nom assez noble. Je trouvais que ça collait bien au projet. ». Le projet en question s’appelle De La Romance, et c’est le projet de Vincent Girault, musicien très doué qui a sorti à la fin de l’été son véritable premier album, « Dreamers », après deux EP, « As we feel » et « Secret world »
Producteur multi-instrumentiste, Vincent a composé cet album aux sonorités éthérées et s’est adjoint les services de nombreux interprètes pour raconter ces histoires de rêveries, seul poste auquel il n’a pas participé sur ce disque : « J’ai parfois chanté au début, mais ça restait peu incarné. Je n’aime pas trop ma voix, je n’y prends pas de plaisir, donc c’est mieux que d’autres le fassent. »
Le casting, absolument parfait, regroupe des voix très différentes, des timbres pop, parfois soul, mais toujours en parfaite adéquation avec les productions de Vincent : « Certains sont des amis comme Louise Roam, Elodie Barbey ou Basile Di Manski. Il y en a d’autres que j’ai contacté car j’aimais leur travail, comme Safe Travel. Certains éditeurs nous ont aidé, et m’ont fait découvrir La Féline, John and the Volta et Després, dont j’ai adoré les voix. »
Autre réussite incontestable, l’utilisation et la production des pianos rythmiques qui rappellent parfois les ambiances d’un Steve Reich (« Mama », « Magolia ») qui serait enfin prêt pour un dancefloor mélancolique : « J’étais très imprégné par Grandbrothers, et puis par le mélange de piano et d’électro. J’avais envie de travailler ça. Je trouve que le piano a une grande noblesse dans la musique électronique. Après en tant que batteur, j’ai une manière particulière de jouer du piano, j’interviens sur les cordes, et c’est forcément rythmique. Mais par contre je n’ai pas de culture classique, Steve Reich, etc, je connais peu. »
La culture de Vincent et ses premières amours musicales laissaient peu présager de ce virage électronique, relativement doux pour l’ancien batteur de Neimo : « Je suis venu à la musique par la batterie, vers 7/8 ans. Mes frères faisaient de la musique également, on faisait des reprises tous les 3. Et puis assez vite j’ai monté des groupes. Je viens du rock à la base, même du rock assez hardcore, néo-métal, punk. J’ai joué dans des formations post-hardcore, très techniques, mais parfois assez mélodieuses. Ce qui n’a plus rien à voir avec ce que je fais. Mais j’ai quand même eu une phase de transition plus électro avec le groupe « The Electronic Conspiracy ».
La transition s’est également faite entre le musicien et le producteur : « Dès lors que tu t’équipes pour de la musique, tu deviens de fait producteur. C’est assez facile. Je suis batteur, mais je me suis vite mis à d’autres instruments. Il n’y a rien de très original à ça. En revanche, je préfère enregistrer en studio. Quand je produis, je veux juste poser mes idées, sans me prendre la tête sur les prises de sons. « Dreamers » est mon véritable premier album. Je compose de manière très spontanée, mais je me donne un parc de 10 instruments à utiliser. Rythmiquement et mélodiquement, j’essaie de me restreindre un peu pour qu’il y ait une unité. J’ai quelques trucs signatures comme un ensemble vocal qui m’accompagne sur quelques titres. Mais c’est vrai que tous les chanteurs/chanteuses sur le disque ont des pattes très différentes. Ce n’était pas gagné pour l’unité. J’ai soumis des instrumentaux aux artistes, et je leur laissais carte blanche. C’est vraiment une collaboration.»
Il y a aussi quelque chose de très scandinave dans les productions de De La Romance. Une certaine mélancolie, un feu sous la glace qui parfois pourrait rappeler certaines productions de Röyksopp, une sorte de réserve chaleureuse, sans compter la participation de différents interprètes :« C’est très juste. Toute mon adolescence, j’ai été passionné de musique scandinave, Mum, Sigur Ros…J’aime cette mélancolie nordique. »
« Dreamers », parfait condensé de pop spectrale et onirique, prouve en tout cas l’agilité de Vincent Girault pour créer des atmosphères denses, cinématographiques et savantes. La légèreté est ici mise au service d’une musique qui parle à la tête et au coeur, sans chercher la factice envie de danser qui fait souvent rimer électro avec dancefloor, au détriment de l’émotion ou de la mélodie. Rêveur, certes, mais érudit, De la Romance a en tout cas signé un album habité et contemplatif. SOUS INFLUENCES DIVINES
"J’écoute beaucoup de musique électronique. Apparat est probablement l’artiste qui m’a le plus influencé. J’apprécie sa musique et ce qu'il fait avec Moderat. C’est de la musique électronique mais pas trop club. J’aime bien la musique savante en fait. J’adore le dernier album de Bonobo, « Ma fleur » de Cinematic Orchestra. J’aime beaucoup Christian Bobin, j’ai quasiment tout lu sur les deux dernières années. Il a une approche tellement candide. J’ai lu aussi beaucoup de poésie pendant longtemps. Jean-Michel Maulpoix, notamment son livre de poésie sur le bleu. En cinéma, j’ai adoré Luc Besson enfant et adolescent. « Nikita » est toujours aussi sublime. Sinon j’aime bien Xavier Dolan. J’aime son approche esthétisante, poétique et un peu fragile. J’aime aussi la nouvelle vague. J’ai beaucoup d’empathie avec Jean-Pierre Léaud, Anna Karina. J’aime cette innocence. Une chose que Louis Garrel peut avoir aussi par moment. J’aimais bien Romain Duris et Benoit Magimel ado. Depardieu aussi. Adolescent, j’aimais beaucoup Kandinsky et Dali. En photo j’aime beaucoup Luis Sanchis, un photographe espagnol basé à New York qui fait de la mode et du portrait."
De La Romance, "Dreamers", nouvel album disponible