La pop rêveuse « Certified cutie » de Dylarama
« Dylarama fait référence à Don De Lillo et son roman « White noise ». C’est le titre d’un des chapitres. Dans le livre, quand les gens ont des angoisses existentielles, ils prennent du dylar, drogue placebo inventée dans le livre pour se sentir mieux. »
Depuis quelque temps, le Québec a décidé de nous envoyer quelques ovnis électro-pop plutôt réjouissants, de Jef Barbara à Paupière en passant par Peter Peter. Cette scène francophone très active nous rappelle que la nouvelle vague néo-eighties canadienne francophone n’a rien à envier à ses confrères anglophones de la scène du Mile End (Arcade Fire, Mac de Marco, Grimes), ni à la vague française qui de Cléa Vincent à Calypso Valois, a renouvelé le genre ici.
Nouvel arrivant de la scène montréalaise, Dylarama (aka Mathias Pageau) fait clairement la jonction entre la pop électronique et le funk blanc, la dream pop et la chanson à textes. Présentations : « J’ai eu un projet sous mon vrai nom pendant une dizaine d’années, plus chansonnier, j’ai sorti plusieurs albums, mais en passant la trentaine, j’ai eu envie de tout remettre à plat, d’essayer autre chose. Ça m’a fait du bien de partir sur de nouvelles bases avec Dylarama ».
Cet autre chose se matérialise aujourd’hui avec un premier EP « Certified Cuttie » produit avec l’aide de Jean-Nicolas Doss (Wizaard) et qui sort sous la bannière Lisbon Lux Records, label qui abrite également les excitants projets de Paupière ou de Le Couleur. « Pour moi, ce titre symbolise ce que je voulais faire sur cet album, parler de choses sérieuses, de romantisme, mais sans se prendre au sérieux. Idéalement, de faire danser les gens mais en racontant des choses vécues.»
Et ça marche, les rythmiques se fondent avec les synthés aériens, et les arpèges funk à la Connan Mockasin font taper du pied, rendant les chansons très accessibles et immédiatement confortables : « J’utilise le paradigme de la chanson d’amour mais pour aborder toutes sorte de thèmes, les relations interpersonnelles avec les gens. Par exemple la chanson « Chantal » parle de moi, même si j’ai pris le point de vue d’une fille. Je cherche toujours le moyen de m’amuser en écrivant des chansons. Musicalement, c’est le son du Mile End qui m’a beaucoup inspiré, plus que celui de la scène francophone, mais j’ai choisi de faire de la chanson francophone parce que c’est ma langue. »
Côté inspirations, Mathias revendique également un goût prononcé pour la nouvelle scène dream pop, de Wild Nothing à The Drums, en passant par Hibou : « Je me considère vraiment comme un auteur compositeur, du coup les arrangements et la réalisation ont été vraiment pris en charge par Jean-Nicolas Doss qui a comblé les espaces et les manques. Et le coté semi-électro et semi-rock de la dream pop nous a beaucoup inspiré, tout comme la pop funk du « Young Americans » de Bowie. »
Est ce que cette collaboration va donner lieu à un album complet ? « On y pense, au Québec comme en France j’imagine, on est plus pris au sérieux avec un album qu’avec un EP. Mais Jean-Nicolas est très pris avec le succès de Wizaard, donc l’album sera peut être co-réalisé avec quelqu’un d’autre. En tout cas les chansons sont prêtes. »
Et nous, on est prêts à découvrir la suite de cet EP fort charmant de Dylarama, dont les titres entêtants (« Les yeux fermés » en tête) vont probablement accompagner l’été qui arrive, entre « summertime sadness » et bassin qui ondule, guitares surf et mélancolie passagère.
SOUS INFLUENCES DIVINES
« Je suis un très grand admirateur de Serge Gainsbourg. Il fait vraiment le pont avec la littérature, qui est très importante pour moi dans la chanson. Mes influences au départ sont plutôt jazz, j’adore Boris Vian. Mais j’écoute peu de choses du passé. Je suis plus influencé par Tame Impala, Jungle ou Peter Peter.
Côté littérature, je dirais « Self » de Yann Martin, c’est du surréalisme poétique, comme du Garcia Marquez mais avec des faits réels. « L’écume des jours » est un livre que j’ai lu au hasard, et le poétisme et le surréalisme du livre m’ont fait comprendre qu’on pouvait faire ce qu’on veut, c’est le public qui doit suivre ou pas. Une grande leçon.
Mon album fétiche du moment est « Multilove » de Unknown Mortel Orchestra. On a beaucoup parlé de cet album pendant l’enregistrement. C’est très inventif musicalement, c’est très personnel, ça parle de thèmes graves mais de façon légère. Je l’ai écouté en boucle.
« Les demoiselles de Rochefort » est pour moi le film de ma période lycée, que j’ai découvert à une période un peu dure pour moi, et ça m’a sauvé. Les couleurs, le mélange, le souffle lyrique « up la vie » ou tout est beau. Je faisais écouter la BO de force à mes amis au lycée. Mes chansons sonnent dans ma tête comme dans une comédie musicale d’ailleurs. J’essaie toujours de les écrire avec cette dramaturgie.
J’adore Emma Stone et Ryan Gosling. C’est le couple parfait. Ryan Gosling est tellement le gars le plus cool au monde, super drôle, et en plus il est canadien.
Henri Cartier-Bresson ne met pas en scène, mais capte juste la poésie qu’il voit et je trouve ça magnifique. »
Dylarama - Certified Cutie (Lisbon Lux Record) EP Disponible