(simon de la brosse par nicolas vidal)
Les beautés suicidées se regardent-elles en dehors du tragique de leur destinée ? Lorsqu’on revoit en photo ou en vidéo une personne qui a commis l’irréparable, il est difficile de ne pas chercher à posteriori la trace du tragique, de la faille béante, de ce qui clochait pour en finir de la sorte. Dalida, Romy Schneider ou Patrick Dewaere nous toucheraient-ils encore autant sans connaître leur destinée fatale ?
Dans les années 80, le plus bel acteur de France s’appelait Simon De La Brosse et tout le monde (ou presque) l’a oublié. Pourtant, de « Pauline à la plage » d’Eric Rohmer à « 37,2 le matin » de Jean-Jacques Beinneix en passant par « Les innocents » d’André Téchiné, Simon De La Brosse avait tout pour devenir un nouveau Dewaere : une présence incroyable, une beauté racée, une gouaille toute parisienne et des auteurs à ses pieds : Sautet, Assayas, et surtout Claude Miller qui dans « La petite voleuse » en fait l’amant voyou de Charlotte Gainsbourg après en avoir fait son frère dans « L’effrontée ».
Simon De La Brosse incarnait l’archétype de l’acteur découvert par hasard dans les années 80, une personnalité plutôt qu’un comédien au sens classique du terme, qui donnait tout sans avoir rien à perdre. Lui ou Wadek Stanczack (acteur fétiche de Techiné dans les eighties) étaient les pendants masculins de Sandrine Bonaire ou Beatrice Dalle, natures indomptées et plaies béantes version 7eme art qui fascinaient autant pour leur sensibilité écorchée que pour leur beauté du diable.
Le jeu de Simon De La Brosse devait autant à une spontanéité rêveuse qu’à une noirceur plus intérieure, comme dans « Les arcandiers » de Manuel Sanchez, ou face à Geraldine Pailhas dans l’un de ses premiers rôles, il jouait un amoureux distant absolument irrésistible et le leader d’une bande de bras cassés qui volaient le corps de Bernadette Soubirous pour obtenir une rançon du Vatican.
Son jeu très subtil aurait du lui ouvrir les portes d’un cinéma plus aventureux. Mais le romantisme tragique qui traversait son jeu et son beau visage d’ange racé se sont éteints dans sa trente troisième année en laissant juste notre imagination dériver, devenant par la même occasion un acteur culte en dessous des radars, un bijou précieux cinématographique.
Et il est impossible de ne pas se demander comment sa voix traînante et sa moue sérieuse auraient évolué dans le cinéma hexagonal si les démons s’étaient tus, si la plaie avait cicatrisé pour faire place aux sentiments sur pellicule.