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Il y a des superstars populaires. Et il y a des étoiles qui n’ont pas besoin du peuple pour briller, mais juste d’une poignée d’aficionados et d’adoratrices. Quand ceux-ci se nomment Marguerite Duras, Pierre et Gilles, André Téchiné, Jacques Duvall ou Leonard Lasry, cela donne une trajectoire parfaite. Comme celle de Marie France. Que l’on parle d’elle comme d’une égérie du Palace ou comme d’une tragédienne pop, elle est depuis la fin des années 70 l’une des personnalités les plus attachantes de notre monde culturel sans avoir jamais fait la moindre concession artistique. Son nouvel album, le bien nommé  « La nuit qui vient sera belle », est une nouvelle réussite qui renoue avec ses chansons pop et disco des eighties après de beaux albums de chansons mélodiques et dramatiques. Elle fait cette fois équipe avec deux de ses fidèles acolytes, Jacques Duvall et Léonard Lasry pour 10 titres où l’on croise Alain Chamfort, une drôle de dame, des basses slappées et des titres pop à foison. « Il existe plusieurs Marie France mais elle a vraiment une patte très reconnaissable, qu’elle chante du rock, de la pop ou des chansons à la Jeanne Moreau. J’aime tout chez elle : sa diction, l’esprit qu’elle met dans ses interprétations, son glamour et son ton piquant. Dés que je compose une mélodie, j’imagine sa voix et j’entend tout de suite la chanson. » nous confessait Léonard Lasry. Retour en quelques mots sur sa trajectoire unique et passionnante. 

 

Icône

« Le mot « icône » pour moi, c’est très sérieux, c’est très religieux. Ce n’est pas du tout moi. Cela me flatte mais je préfère le mot « Egérie » qui me ressemble davantage. Mais c’est vrai que ce mot peut résonner aujourd’hui pour les vedettes, ou les stars, comme Marylin que j’ai incarné. Ou Bardot dont j’ai repris les chansons.

J’adorais Marylin. Je l’aime toujours d’ailleurs et c’est vrai que j’ai beaucoup travaillé son répertoire. Je me suis prise au jeu quand on m’a proposé de l’interpréter, d’abord à l’Alcazar puis à Chaillot dans un spectacle de Sophie Perez, « Détail sur la marche arrière » où là, je l’interprétais dans un univers plus rock. Mais bon, elle s’adapte à tout. J’adorais ses chansons. Je m’amusais à essayer d’avoir son vibrato et de me rapprocher de sa voix au maximum. Moi je trouve qu’elle a un timbre extraordinaire et que c’est une grande chanteuse. Elle était très fan d’Ella Fitzgerald et l’a beaucoup aidé. 

Quand à Bardot, je l’adore aussi depuis toujours. D’abord c’est mon enfance. Elle m’a fait voyager cette femme. Et je trouve sublime le fait de tout abandonner pour s’occuper des animaux. »

 

Rock versus Disco

« Ce nouvel album est très disco, grâce à Léonard Lasry. Mais c’est vrai que je viens plutôt du rock au départ. Les chansons de mes débuts, « Déréglée », « Daisy », ou l’album « 39 de fièvre » viennent du rock. Toute l’époque du Palace était assez disco, mais moi, j’étais vraiment inspirée par le rock. J’ai été biberonnée à Elvis. C'était ma passion, mais en même temps, j’aimais beaucoup la chanson. J’étais éblouie par Piaf qui me fascinait enfant. 

Dans ma discographie, il y a eu quelques titres un peu disco comme « Los Angeles », une chanson de Jay Alanski de la fin des années 70, où les singles des années 80 comme « Je ne me quitterai jamais » qui étaient dans une veine pop qui prolongeait un peu le disco."

Rencontres

« C’est le moteur de ma vie les rencontres. Je n’ai avancé artistiquement que par elles. Toutes mes décisions, je les ai faites à partir de celles-ci. Marguerite Duras est probablement celle qui m’a le plus marquée. Elle avait une aura tellement sérieuse, littéraire, alors que quand je l’ai rencontrée, c’était plutôt une bonne copine. Elle voulait qu’on parle des garçons, de mon rapport avec eux. Et je me souviendrais toujours du moment où elle m’a demandé si je faisais mon lit le matin. Je lui ai dit que oui, et elle m’a répondu que c’était très important. Que les journées se passaient beaucoup mieux après. Et maintenant, je pense à elle dès que je fais mon lit. 

Mais il y a aussi Jacques Duvall, Léonard Lasry, Elisa Point. Je me souviens que la première fois que j'ai vu Elisa, c’était au studio Garage. J’ai d’abord flashé sur elle, et après j’ai découvert son travail. Et avec Léonard, notre histoire est incroyable car il est arrivé vers la fin de ma trajectoire artistique et on ne s’est plus quittés. Il me fait penser à Frédéric Botton avec qui j’ai travaillé et que je connaissais très bien car il était le compositeur des revues de Jean-Marie Rivière à l’Alcazar. Léonard a un jeu de piano qui me fait penser au sien.

Et puis il y a Pierre et Gilles. Je les ai connus à leurs débuts. Ils étaient comme des petits copains de l’époque. Je les ai aimés tout de suite. Nous collaborons ensemble depuis 40 ans, jusqu’à cette dernière pochette d’album. La première photo que j’ai faite avec eux, c’est « L’engrenage », et c’est un peu ce qu’il s’est passé entre nous. J’ai mis les pieds dedans, et je suis devenue le modèle qu’ils ont le plus photographié. Ils ont réalisé beaucoup de pochettes de mes albums, de mes 45 tours, et même des éditions japonaises de mes albums qui sont sortis uniquement là-bas. »

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Drôle de Dame

« Drôle de Dame » qui figure sur mon dernier album, c’est vraiment l’humour de Jaques Duvall. Moi je ne me suis jamais considérée comme une drôle de dame, mais la chanson m’a beaucoup plu, tout de suite. Parce que cela veut dire beaucoup de choses. Vous savez, je n’interviens jamais avec Duvall. Je ne lui demande rien. Comme avec Léonard Lasry d’ailleurs. Je les laisse faire et ils font du sur-mesure pour moi. Je n’en demande pas plus. J’ai rarement demandé quoi que ce soit. Ce sont toujours les gens qui sont venus vers moi. Et cela me convient très bien, car je dis oui ou non. A une époque, j’avais quand même essayé de contacter Jean-Claude Vannier, je voulais le rencontrer. Mais avec les autres, tout est arrivé naturellement et c’est très bien comme ça. »

 

Duos

« J’adore les duos parce que c’est entrer dans l’univers d’un autre artiste, et c’est aussi le mettre en valeur. J’adore ça. Je ne me contente pas d’être mise en valeur par les autres. J’en ai fait pas mal. Avec Léonard Lasry j’en ai fait plusieurs. J’ai chanté sur son premier album quand il n’avait que 23 ans. J’ai chanté avec Helena Noguera. Avec Alain Chamfort. Chrissie Hynde. Mais aussi Yann Péchin, Aurélien Wick… On pourrait sortir un album avec tous ces duos ! J’ai aussi chanté avec Lio et Helena, « Sleigh Ride » qu’on avait fait à la télé. Finalement avec pas mal de chanteuses. Moi j’adore chanter avec des filles. 

Avec Lio, on a partagé nos auteurs/compositeurs à une époque, mais on faisait des choses différentes. On n’a pas le même caractère. Pas mal de ses chansons des débuts m’étaient destinées au départ, il existe même des versions différentes des mêmes mélodies comme « Je ne me quitterai jamais » qui est devenu « Je casse tout ce que je touche ». « Daisy » est aussi devenu « Dallas » sur son album "Pop Model". Et puis plus tard, j’ai chanté « La fille au coeur d’or » qu’elle avait chanté au départ. »

 

Cabaret

« J’évoque un peu le cabaret dans la chanson « Jackie Shane », et cela a été une période importante de ma vie. J’ai débuté ma carrière artistique à l’Alcazar qui était le cabaret le plus chic de Paris. Moi je m’y suis beaucoup amusée parce que j’y ai créé de grandes amitiés, avec Sabrina de l’Alcazar notamment. On était parties en tournée en Suisse, en France… Ce qui était bien dans le cabaret, c’est aussi qu’on pouvait toucher à beaucoup de choses, jouer à la garce et au glamour drôle. Il y avait une certaine légèreté. C'était un endroit qui avait été créé pour les parisiens au départ. »

 

Underground

« J’ai plutôt évolué dans un milieu underground dès mes débuts. Et même si des gens très connus se sont intéressés à moi par la suite, j’étais profondément underground. J’ai longtemps rêvé d’être une vedette populaire. Mais je pense que j’ai tout fait pour que cela ne marche pas. Je voulais ma liberté. Je savais que si j’acceptais d’être populaire, c’en était fini. Et pour moi, c’était primordial. Je sentais que le succès allait m’enfermer dans une cage. »

 

La nuit qui vient sera belle

« C’est le début de tout, que ce soit en amour, en amitié, dans le travail. Quand on dit « La nuit qui vient sera belle », c’est qu’on y met tous les espoirs. J’ai beaucoup vécu la nuit, et c’est très propice au rêve. La nuit, tout est possible. Et la nuit, ce n’est pas très sérieux. Le matin, les vérités s’évaporent. Mais j’aime beaucoup la nuit et son ambiance. »

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Album "La nuit qui vient sera belle" disponible. (29 Music / Kuroneko)

Interview et photos : Nicolas Vidal
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