(félix martiaud par nicolas vidal)
Félix Maritaud est probablement la meilleure chose qui soit arrivée au cinéma français depuis belle lurette, mais le cinéma français ne s’en est pas encore vraiment rendu compte. Lui pourtant si friand de nouveaux visages de nature indomptées, il n’a pas encore pris la juste mesure du talent de Félix Maritaud.
La faute à une queer attitude assumée et clamée haut et fort que le cinéma a encore du mal à gérer ? Sa non nomination aux Césars pour son rôle dans l’épatant « Sauvage » de Camille Vidal-Naquet (film pour lequel il a reçu des prix mérités) où il fait preuve d’un abandon et d’une sensibilité bouleversantes le prouve. Après un second rôle remarqué dans « 120 battements par minute », de Robin Campillo, le nom de Félix Maritaud a sonné comme une promesse, l’apparition d’un corps nouveau, inédit dans le giron un peu trop poudré des acteurs français, plus proche d’une Beatrice Dalle que d’un Pierre Niney.
Acteur instinctif qui ne se destinait pas particulièrement à la comédie, Félix Maritaux est de la race des incandescents, des têtes brûlées dont les sensations à l’écran passent plutôt par le corps qui devient expérimental, laboratoire de sensations fortes, autant pour le personnage que pour lui. Mais avec une hypersensibilité, touchante, qui se sent, comme instinctive. Et force est de constater que cela marche sur le spectateur qui vibre à l’unisson de ce corps mince et puissant, souffre avec lui dans « Sauvage » ou le beau « Jonas » de Christophe Charrier.
Sujet désirant et obstiné, Félix Maritaux projette sur les écrans (comme sur ses réseaux sociaux), des bribes d’une vie tournées résolument vers la lutte, le regard fier et le point levé contre les principes d’une société réductrice, et donne chair à des projets d’où émergent des figures peu représentées (comme dans l’épatant « Dustin » de Naïma Guiguet).
On se plaît à imaginer ce qu’auraient pensé Fassbinder ou Pasolini de cet acteur à la pointe de la marginalité, le regard qui n’a peur de rien et la rage chevillée au sourire. Mais attendons de voir si le cinéma français qui le sollicite quand même (de beaux seconds rôles chez Yann Gonzalez dans « Un couteau dans le coeur », chez Gaspard Noé dans « Lux Aeternam » où bientôt dans le film de Guillaume Gouix, « Amore Mio ») saura pervertir le cocon bourgeois de son univers avec cet acteur épatant et ultra attachant. En tout cas, nous on est prêt, et on attend.