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(brad davis par nicolas vidal)

Qu’est ce qui définit un acteur ? Sa trajectoire ? Sa longévité ? Ses rôles ? Certains acteurs et actrices font une carrière longue, chargée, parfaite (Catherine Deneuve, Meryl Streep, Leonardo Di Caprio). D’autres vivent leur quart d’heure de célébrité et passent le flambeau à d’autres, figés dans la décennie qui les a découvert (Valerie Kaprisky ou Mickey Rourke, idoles eighties). Puis il y a les météorites avec un ou deux rôles marquants et basta. Souvent parce qu’ils sont morts jeunes. Comme James Dean. Ou Brad Davis. « Querelle » for Ever et héros de "Midnight Express". Deux films cultes, un virus mortel et puis s’en va. C’est injuste et en même temps c’est assez la classe d’un point de vue purement artistique. Brad Davis en seulement deux rôles marquants et ambigus a montré à la face du monde une présence incroyable, un corps musculeux, des yeux noirs, un mystère insondable. 

Acteur de théâtre et de soap opéra à ses débuts, il n’a eu de cesse durant sa courte carrière d’incarner une version très eighties de l’homosexualité masculine (ou de sa version bi, souvent plus acceptable), l’incarnation hollywoodienne vacillante de la virilité touchée par la maladie. 

Son premier rôle marquant, « Midnight Express » d’Oliver Stone, le voit affronter la prison en Turquie après avoir été arrêté pour possession de drogues. Tentant l’évasion, le film palpitant vibre par le jeu de son interprète (et la musique ultra stylée de Giorgio Moroder) et impose Brad Davies en héros affaibli, amaigri, mais instinctif. Un peu voyou mais séduisant, le film l’impose en anti héros qui se bat pour survivre dans un milieu ultra hostile. Le film est un succès, les lauriers lui tombent sur la tête (un golden globe pour sa prestation) malgré les bas fonds tortueux du film. 

Après un rôle dans « Les charriots de feu », c’est déjà l’apothéose de sa carrière avec le rôle de « Querelle », adaptation du livre de Jean Genet par Fassbinder, cinéaste/ogre de la nouvelle vague allemande dont ce sera le dernier film. Baroque et outrancier, le film navigue entre conte queer et romance poétique. Fidèle à Genet et précurseur du fantasme du marin tel qu’on le connaît aujourd’hui à travers la mode (merci Jean-Paul Gaultier), Brad Davis prête ses traits et son corps au marin d’eau salé, figure robuste, ambiguë, traitre et passionnée. L’acteur donne sa virilité passive au personnage double de Querelle avec une audace et une liberté que peu d’acteurs hollywoodiens oseraient aujourd’hui. Et c’est ce qui fait sa force. Cette image culte qu’à façonné Fassbinder est toujours présente dans les esprits quarante ans après. Et par ricochet, le corps et le visage de Brad Davis le sont aussi pour l’éternité. 

Car malheureusement, peu de choses sont à sauver de la carrière du sublime Brad après ce coup de maître, si ce n’est un Percy Adlon (auteur de « Bagdad café ») en 1989 et un rôle dans « The normal Heart » en 1985 (pièce de Larry Kramer sur le SIDA) année où il apprend lui même sa séropositivité. 

Carrière miroir de sa vie, Brad Davis malgré sa fin de vie tragique aura traversé l’histoire queer du cinéma avec force et volupté, faisant de sa beauté naturelle une force de jeu, son intensité et son regard noir comme un pied de nez aux tragédies vécues par la communauté LgBTQI+. Et un grand acteur qui continue d’alimenter les fantasmes, même si on ne sait plus qui de Querelle ou de Brad est le plus attirant.

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