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Il est rassurant de constater que certaines carrières musicales, si confidentielles soient-elles, peuvent durer longtemps. De nos jours, construire une carrière peut prendre 5 minutes si l’on a suffisamment de followers, qu’on a 20 ans et que les managers comme les labels mettent suffisamment d’argent et de marketing dans l’affaire. Ceci est un petit peu réducteur, mais n’est pas totalement faux. A l’autre bout du spectre, il est des chanteurs dont la carrière a démarré par un succès au top 50 dans les années 80, et qui poursuivent une carrière riche, sans se dévoyer dans les tournées nostalgiques, et qui disque après disque, continuent de dévoiler de très bonnes chansons, sans se soucier de l’air du temps mais sans être imperméables à celui-ci non plus. Comme Arnold Turboust qui vient de sortir le très beau « Sur la photo ». « C’est mon 6ème album. En trente ans certes, mais c’est parce que j’ai marqué un très long temps d’arrêt entre mon deuxième et mon troisième album. Sinon, c’est vrai que c’est 5/6 ans entre chaque disque. Mais ça met toujours un petit peu de temps. Il faut les écrire les chansons. »

 

Sur la photo de la pop française, on sait très bien situer la place d’Arnold Turboust. Forcément proche d’Etienne Daho pour qui il fut l’orfèvre de quelques tubes eighties (« Epaule Tatoo » entre autre) mais aussi de quelques pépites de l’album « Eden ». Pas très loin de Bertrand Burgalat non plus qui a produit avec lui son sublime deuxième album, le très Saganien « Mes amis et moi ». Et disons Alain Chamfort dont le cousinage mélodique et la passion pour les arrangements voluptueux et sans fautes de goût apparentes leur est commun. Mais Arnold Turboust a surtout sa propre singularité, sa petite musique pourrait-on dire, une sorte de badinage pop présent depuis son tube inaugural, « Adélaïde » qu’il chantait en duo avec Zabou Breitman : « Quand on écrit des chansons, on a parfois l’impression de creuser un peu dans le même filon, avec l’inspiration qui est un peu tapie au fond de nous. Mais il arrive encore qu’on se surprenne, qu’on ait le sentiment de faire une chanson d’une manière nouvelle, de creuser un nouveau chemin. L’inspiration, elle est forcément tapie, mais tu ne la trouves que si tu es régulier dans ta pratique, en l’occurence dans mon pianotage, dans mes prises de notes, dans mon oreille qui s’anime quelle que soit la chapelle d’où la musique sorte. Il y a des artistes qui au début de leur carrière sont de beaux aquarellistes et après ils ne font plus que de la flotte. Après, les Beatles ont fait beaucoup d’albums en très peu de temps. »

Sur ce nouveau disque, il y a d’ailleurs plusieurs duos qui ponctuent l’album. 3 voix sensiblement différentes. D’abord Tess pour qui Arnold avait composé en 1987 le psyché « Nirvana » (et sa sublime face B « Les Rizières », à découvrir urgemment). Kumi Solo et sa pop japonaise. Et plus surprenant, la chanteuse lyrique Patricia Petibon.

« Cela faisait longtemps que je n’avais pas fait de duo. Les chansons ont leur propre histoire et leur singularité. Le duo avec Kumi Solo est venu parce que j’entendais comme une voix off en japonais sur le titre. C’est pour ça que je lui ai proposé. La chanson avec Patricia Petibon, c’est pareil. Je l’avais faite seule mais j’entendais une voix comme la sienne - enfin sa voix est unique - et j’entendais son timbre sur cette mélodie. J’étais tellement heureux qu’elle accepte. C’est un honneur pour moi. Et puis pour la chanson avec Tess, je l’avais laissé un peu de côté. Quand je l’ai écrite, je me disais que c’était vraiment un chanson questions/réponses. Et donc je lui ai demandé de la chanter avec moi. »

 

Et puis il y a aussi une intervention discrète de Laurie Mayer du groupe Torch Song sur le titre « Lady’s finger », réminiscence de l’époque « Pop Satori », disque pour lequel Arnold Turboust composa de nombreux titres, et sur lequel se trouvait aussi un titre de Rico Conning (membre de Torch Song avec Laurie Mayer et William Orbit) avec qui Arnold Turboust a réalisé ce dernier album : « J’ai travaillé avec Rico Conning sur cet album, comme sur le précédent, et en général, je m’occupe des mélodies, des couleurs, des accords, des arrangements et Rico met en forme et fait sonner toutes ces chansons, me dit s’il manque des choses, me donne son avis sur les tempos. Mais il est également force de proposition. Sur la chanson « A supposer », j’avais juste deux passages, et lui a rajouté d’autres passages au clavecin, et du coup ça enrichit la chanson »

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Ce que nous raconte aussi Arnold Turboust à travers ce nouveau disque, c’est aussi mine de rien une histoire de la pop culture à la française à travers ses confessions pop tout en légèreté sur les titres « Honni soit qui mal y pense » ou « Lady’s fingers », mais aussi à travers le titre « Belmondo », hommage feutré à l’acteur disparu et son film testament : « Belmondo était l’une des figures favorites de mon père. Donc c’est un peu un hommage que je lui rends. Il se trouve que ce film, « L’homme de Rio », est un film que j’aime beaucoup et qui me rappelle mon enfance. Il y avait le DVD qui était dans mon champs de vision, et je passais devant sans le voir. J’avais la mélodie de cette chanson, et d’un coup, je me suis dit que la référence à ce film collait bien, et donc j’ai écrit ce texte qui incarnait bien cette mélodie. »

Car il est toujours question de légèreté avec Arnold Turboust, de chansons parfois poignantes mais sans aucune pesanteur. Un mélange subtil de mélodies, d’arrangements électro, et de chansons plus traditionnelles. « Moi je suis parti vers un côté plus « Chanson ». Cela reste pop, mais je considère que je fais de la chanson. Ma manière naturelle d’écrire va vers une forme de légèreté. Se départir de ce que l’on est, c’est déjà beaucoup. Je me laisse mener par le bout du nez par mes inspirations. En ce sens, je me sens avoir une sorte d’âme française, assez légère. Mais je ne cherche pas particulièrement à la travailler. ». Pourtant, force est de constater que la manière de faire des chansons a évolué, changé, depuis l’époque bénie des années 60 ou 80, ou primait la mélodie - parfois au détriment du texte - et où la dextérité musicale primait sur le genre ou le style. « Je ne sais pas si cette manière de faire des chansons avec la priorité à la mélodie se perd de nos jours. On me fait souvent remarquer que mes chansons sont mélodiques. Moi ça a toujours été mon moteur, que ce soit pour moi ou pour les autres. C’est super important. Après, chaque époque a ses singularités, et puis voilà. »

 

Notre époque, et depuis quelques années déjà, se revendique des eighties comme les jeunes gens modernes se revendiquaient des sixties, et Arnold Turboust fut l’un des orfèvres de cette pop synthétique à travers ses chansons à lui, celles d’Etienne Daho, ou plus globalement de la scène pop, qui va de Niagara à Elli et Jacno. « J’ai beaucoup de bienveillance vis à vis de la scène pop française actuelle. Il y a beaucoup de talent. Je ne connais pas tout, je passe à côté de beaucoup de ces artistes. Récemment, j’ai découvert un artiste que j’aime beaucoup qui s’appelle Jan Verstraeten. J’aime aussi beaucoup Léonie Pernet et Laura Cahen. Et c’est vrai qu’on me le dit de plus en plus, que mon travail a pu influencer certains artistes. »

 

Ce qui sûr en tout cas quand on rencontre Arnold Turboust et quand on écoute ses chansons, c’est cette bienveillance à l’égard de la pratique pop. On ne sens aucune lassitude dans ses chansons, ni dans son attitude farouche à préserver une sorte d’éthique musicale qui se ressent dans des titres comme « Rue de la Croix-Nivert » ou « Lady’s Fingers », parfait condensés de mélodies accrocheuses et de légèreté textuelle, de nostalgie électronique avec une voix douce et claire. « Ce qui me donne envie de m’y remettre, c’est la passion. Si je ne fais pas de chansons, je m’ennuie. Et l’ennui, ce n’est pas bon. Ce qui me passionne, c’est l’imbrication que j’arrive à trouver entre une mélodie et un texte, une forme d’arrangements, une tonalité, une voix. »

Tant qu’Arnold Turboust trouvera la bonne imbrication, la pop d’ici sera bien gardée. 

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Nouvel album « Sur la photo » disponible

En concert le 30 Mars au Café de la Danse / Paris

Interview et photos : Nicolas Vidal
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