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Mélancolie Hervé


Ce qu’il y a de bien avec la hype, c’est quand elle est réelle et justifiée. Quand vient le moment tant attendu d’écouter la musique dudit projet “que tout le monde s’arrache”, et qu'effectivement, on comprend pourquoi. C’est le cas avec Hervé. Son premier EP sous son (pré)nom, “Mélancolie FC” est un parfait condensé de l’époque. Un pied dans l’électro, un autre dans la pop, et les deux dans un DIY décomplexé. “J’ai toujours travaillé dans ma piaule, avec un ordi. Je suis libre. Je peux partir avec mon ordi, un clavier, et faire de la musique n’importe où.”


C’est d’ailleurs dans une piaule teenage de la banlieue parisienne qu’est née sa vocation : “ J’ai commencé ado. J’ai fait pas mal de foot comme plein de jeunes, sauf que j’en ai fait de manière un peu plus intense. Quand j’ai arrêté, j’ai commencé à boucler des sons, à composer, à produire. J’écoutais beaucoup de rap français et j’étais fasciné par les instrus. Le 113, DJ Mehdi, ça me fascinait. Ensuite, je suis allé dans une école de musique pendant 2 ans pour apprendre les bases, piquer des accords et faire mes sons à la maison.”


Mais ce qu’on entend aussi dans la musique d’Hervé - et son look - ce sont les sons British, Madchester ou les raves 90 des club kids désenchantés : “ C’est vrai qu’il y a Manchester, la techno, la britpop dans ma musique. J’ai découvert ça au moment où j’ai tourné en Angleterre avec Postaal. J’ai eu ce groupe avec un anglais, on était managé là-bas. J’ai découvert les Happy Mondays, la drum n bass, la jungle… Et puis New Order, les Stone Roses, tout ça je ne connaissais pas. ”

Ce qui a toujours manqué à la pop britannique en revanche, c’est un certaine sensualité, chose que Hervé a réussi à garder malgré les beats froids et électro de ses morceaux. “ Moi je suis latin. Nous on sait faire Michel Legrand, Sébastien Tellier, “Veridis Quo” des Daft Punk. Mais on ne sait pas faire Oasis ou Bowie. Les anglais, ils sonts fasciné par Gainsbourg par exemple. Il y a la France dans mes accords. On vient du classique et de la Disco. La French Touch c’est énorme, car on arrive à mettre de l’émotion dans un kick qui tape. Chez Laurent Garnier, il y a des accords qui s’ouvrent et c’est sublime. Daft Punk ça devient gros car ils arrivent à faire chialer les gens avec de la musique qui tape.“Je suis venu te dire que je m’en vais”, “L’amour et la violence”, Christophe, pour moi ce sont des accords latins. Mon ambition, c’était de produire de façon un peu bâtarde. De la chanson avec un kick qui tape fort. Mais je peux jouer n’importe laquelle de mes chansons en piano/voix.””


Et chez Hervé, ça tape, ça danse, ça gueule tout bas, ça sent la fragilité et la testostérone, mais c’est sincère et désarmant : “ J’en ai conscience. Je suis un hypersensible. Je sais que je peux démarrer au quart de tour assez fort si je suis suis témoin de quelque chose d’injuste. Je peux être touché par une scène de vie à la con. Cette fragilité que j’ai en moi, quand je la transforme en musique et qu’il y a des erreurs, je les garde quand même. Je tiens à ce que ce soit le plus brut possible. J’essaie d’être le plus sincère possible, même si ça veut pas dire grand chose. Quand j’écris, je n’écris pas pour rien.”


On a beaucoup lu qu’Hervé était (déjà) le nouvel Eddy De Pretto. Ce n’est pas tout à fait vrai, leur seul point commun visible étant qu’il sont sur le même label. En revanche, si point commun il doit y avoir, ce serait plutôt dans cette manière littéraire brute de décrire leur monde qu’ils partagent avec d’autres artistes de cette génération, tout genre confondu : “ Il y a le mouvement rap qui est très fort. C’est la nouvelle variété. Il y a eu un âge d’or du rap avant moi, et puis celui de ma génération. Moi, je n’ai pas grandi avec le rock, le reggae, la disco où la techno. Il n’y a pas eu de grand mouvement pour nous comme pour la génération yéyé des années 60 par exemple. On est dans une époque où on digère une actu assez spéciale. Eddy De Pretto, Aloïse Sauvage ou moi, on a le même âge. Et tout va vite pour nous, entre les réseaux sociaux, la scène, les infos qui vont vite et sont en flot continu. On est une génération d’anxieux. Et il faut que ça sorte à un moment. On est des hauts parleurs comme dirait Sofiane. On a besoin de vider notre sac. L’époque nous pousse à écrire, et ça c’est bien.”

On a plutôt envie de danser en écoutant Hervé et ses chansons d’amour. Car finalement, “Mélancolie FC” est un recueil de chansons plutôt romantique : “ Je ne parle pas forcément d’amour dans mes chansons, mais les gens entendent de l’amour. Mais j’aime trop les chansons d’amour. Ce sont les plus belles chansons du monde. Je m’inspire de ce que je vis, de mon quotidien. Sur “Dis-moi toi”, je parle à ma copine, mais je pourrais aussi bien m’adresser à mon meilleur pote.”


Il y a également un nom qui revient très souvent quand on évoque sa musique, c’est Bashung dont il reprend “La peur des mots”. “ C’est un magicien. Sa manière d’agencer les mots m’a influencé. Le travail de Bergman et Jean Fauque me parle énormément. Le truc des mots qui vont pas forcément ensemble. Ce sont des orfèvres. Il y a ce truc d’ambition dans les mots, d’exigence. Et dans “La peur des mots”, quand il dit “Tue-moi, je te couvrirais de baisers”, c’est énorme. J’ai repris cette chanson qui était un peu country, une démo enregistrée au Sun Studio et peu connue que j’ai découverte par hasard. J’ai essayé tout de suite de la reprendre, et mes potes trouvaient que ma nouvelle chanson était super (rires). Du coup j’ai osé la reprendre et la garder. Mais reprendre un “Vertige de l’amour”, ça aurait été plus compliqué pour moi. Et en même temps, fallait assumer vu que tout le monde me parle de Bashung.”


Mais à la différence de Bashung, Hervé travaille seul, en toute autonomie, mais bien entouré notamment par le chantier des francos, structure d’accompagnement scénique qui travaille également en ce moment avec des artistes comme SiAu où Alma Forrer : “C’est une expérience formidable. Sébastien et Emilie gèrent ça d’une main de maître. C’est un accélérateur de particules, un stage intensif. Ça a été hyper important pour moi, car ce sont des gens qui m’ont fait confiance à un moment où je me faisais pas confiance. Ils ont cru en moi. Je suis seul sur scène, je produis seul, mais j’ai besoin des autres. Et ils m’ont donné un regard extérieur. Ils font partie des âmes formidables que j’ai rencontré dans ma vie.”

Finalement, entre le foot et la musique, il n’y avait qu’un pas que Hervé a franchi en conservant le rituel : “ Il y a beaucoup de parallèles entre la scène et le foot. Les loges qui sont comme des vestiaires. Je m’échauffe, je marche beaucoup, je rentre sur scène avec une serviette et une bouteille d’eau à la main. Les répétitions, c’est mon échauffement. Et puis il y a le côté évènement. A 20h45 je suis sur scène. Je m’y prépare complètement. J’ai besoin d'être concentré, d’être bien, dans une forme d'extra lucidité pour vraiment profiter de l’instant à fond.”


Et nous, on va profiter également des chansons d’Hervé. Les malaxer, les digérer, danser dessus avec la même fièvre que son auteur. Il faut le voir sur scène, comme un funambule qui aurait mangé Cantonna et Christophe, sans cynisme aucun, sans second degré. Un garçon à sa place en somme. “Don’t believe the hype” disent certains. Si tous les musiciens hype avaient la même exigence et la même ferveur que lui, elle n’existerait plus et ce ne serait pas si mal.


SOUS INFLUENCES DIVINES

“Mohamed Ali m’a énormément influencé. Une légende avec un charisme incroyable. C’est un exemple au delà de la communauté noire américaine, musulmane. Il a fait un sans faute incroyable, et c’est un mec ultra sensible.

Dans les albums, je dirais “Tombé du ciel” de Jacques Higelin. Un disque hyper ambitieux, réalisé à New York avec Jacno. Disque que je connais par coeur, avec une pochette légendaire, Higelin au top de sa forme qui arrive à faire des tubes. “Plastic Ono Band” de Lennon, pour le son de piano, la production, la simplicité, la sincérité, “Working Class Hero. Trop fort. Lennon, c’est le boss. Et “Discovery” des Daft Punk a littéralement changé ma vie. Quand je l’ai écouté, ça m’a retourné complètement. C’était physique. Il y a des versions mash-up sur “Alive” que je pouvais pas écouter. Ça m’empêchait de faire du son derrière tellement c’était bien. C’est énorme. Et puis “Les princes de la ville” du 113. DJ Medhi, les samples, le breakbeat, les textes, la pochette avec toutes les photos. Ça ressemble à là où je vis à l’époque, mon meilleur pote est le beau-frère de Mokobé du 113. C’est mon monde quoi.

J’ai une passion pour Patrick Dewaere. “Coup de tête”, c’est tout ce que j’aime. “Série Noire”, le Blier… Il a une énergie animale. C’est un mec sauvage, un vrai acteur. Et puis c’est un mec à pseudo qui a eu deux vies, entre deux cinéma. Et Ken Loach, “Looking for Eric” avec Cantona au top. Il n’y a pas d’artifices dans son cinéma. Et puis Audiard, “De battre mon coeur s’est arrêté”. C’est mon truc ça. Comme “Le parrain”, “Casino”, “ Mean Streets”, “Scarface”. Et Bertrand Blier. On pourrait plus faire ce cinéma aujourd’hui.

En livre, je vais dire “Le petit prince” car c’est le seul livre que j’ai lu. J’y connais rien en littérature. Mon frère est un grand lecteur, mais je suis trop hyperactif pour lire. Mais c’est une porte que je vais ouvrir. Je vais demander à mes potes de me donner leur grand classique et je vais m’y mettre. Je vais tomber dans la marmite et je ferais plein de disques avec tout ça.

En photo, j’aime beaucoup Tish Murtha qui est une photographe anglaise de l’ère Thatcher. C’est du noir et blanc magnifique. Il y a un livre sur les gamins ouvriers qui est trop bien. C’est de la photo de rue, du photo reportage sublime. ”

EP “Mélancolie FC” disponible

En concert à Paris le 3 juillet (Hotel de ville) et à La Rochelle le 10 juillet (Les Francofolies)

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